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un résidu solide, le coke, ce combustible que tout le monde connaît. Le coke représente à peu près les trois quarts du poids de la houille distillée ; il est poreux, plus léger que le charbon de terre, et on le préfère comme combustible à ce dernier parce qu’il brûle sans flamme ni fumée et aussi parce qu’il renvoie par rayonnement une chaleur plus forte. L’eau ammoniacale des condenseurs, qui est engendrée par la décomposition des substances azotées de la houille, renferme l’alcali en combinaison avec une foule d’acides : c’est la source la plus abondante que l’on possède de sels ammoniacaux[1]. Enfin la matière goudronneuse qu’abandonne la fumée de la houille en traversant les appareils purificateurs, cette matière noirâtre et gluante, si méprisée d’abord, fournit par la distillation toute sorte de produits précieux. Les chimistes sont arrivés à en retirer déjà une cinquantaine de corps différens. On en est venu à distiller de la houille uniquement en vue du goudron, et l’on opère alors à une température plus basse afin d’avoir des produits plus riches.

Dans le principe, les résidus de la fabrication du gaz étaient pour les usines un embarras. Le coke brûle sans fumée et dégage beaucoup de chaleur, mais il est trop léger pour servir aux opérations métallurgiques et au chauffage des locomotives. On employait à chauffer les cornues le tiers du coke journellement produit ; le surplus encombra en tas énormes les cours des usines jusqu’au jour où l’on eut l’idée de le concasser en menus morceaux pour l’usage domestique. Le goudron était encore plus embarrassant que le coke. On essaya d’abord de le brûler dans les cornues, mais sans grand succès ; le goudron le plus épais fut enfoui dans des terrains isolés. C’est ainsi qu’un jour des spéculateurs proposèrent de former une société pour exploiter un nouveau gisement de bitume dont ils avaient découvert les affleuremens dans les environs de Paris, et qui n’était autre chose qu’une vaste fosse remplie de goudron et oubliée depuis dix ans. — On se décida enfin à soumettre le goudron à une nouvelle distillation qui en séparait des huiles propres à l’éclairage des ateliers et à certaines peintures, le brai étant appliqué à la fabrication de mastics bitumineux ; puis les huiles distillées furent employées à injecter les bois, notamment les traverses des chemins de

  1. L’eau des condenseurs donne de l’alcali volatil (eau saturée d’ammoniaque) et des sels ammoniacaux à plus bas prix que les matières animales (débris d’os, de laine, de corne, etc.) que l’on distille à cet effet, et qui avaient déjà ruiné l’antique industrie égyptienne de la province d’Ammonie, fondée sur la combustion des fientes de chameau. La quantité de ces sels obtenue par la distillation de 100 kilos de houille ordinaire équivaut à environ 1 kilogramme de sulfate d’ammoniaque. Le prix des sels ammoniacaux s’est abaissé à mesure que l’éclairage au gaz s’est généralisé, et l’agriculture a pu en faire un usage de plus en plus large comme engrais.