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on laisse la plante deux ou trois années en terre. L’Onrust-polder produit jusqu’à 6,000 kilogrammes de garance brute par hectare, ou environ 1,000 kilogrammes de garance du commerce ; mais on a aussi des années où le rapport n’est que de 2,500 kilogrammes. Le produit de la Zélande, de la Gueldre et des contrées de la Meuse est de 3 à 7 millions, en moyenne de 6 millions de kilogrammes de garance du commerce. En Alsace, on opère par semis ou par boutures.

Avant d’être livrés au commerce, les alizaris sont soumis à une dessiccation qui en réduit notablement le poids. Dans le midi de la France, en Italie, en Espagne, en Algérie, on les fait sécher à l’air ; en Alsace et en Hollande, la dessiccation se fait à l’étuve. Dans le Caucase, on commence par enfermer les racines dans des silos où l’on a préalablement brûlé quelques fagots de bois, et ce n’est qu’après les avoir laissées cinq ou six mois dans cet état qu’on les soumet à la dessiccation. La garance ainsi préparée porte le nom de marena, elle possède un pouvoir tinctorial double de celui des garances d’Avignon. Après la dessiccation, les alizaris sont réduits en poudre pour être vendus aux teinturiers. Dans le département de Vaucluse, cinquante usines à moteurs hydrauliques, qui travaillent nuit et jour pendant huit mois de l’année, triturent 40 millions de kilogrammes d’ alizaris, qui donnent 33 millions de kilogrammes de poudre de garance propre à la teinture. Indépendamment de ces quantités, les moulins de Vaucluse préparent les alizaris qui arrivent de Naples et du Levant. Les frais de trituration sont de 2 francs à 2 francs 50 centimes par quintal.

La composition chimique de la garance a été l’objet de recherches approfondies. Les alizaris de provenances diverses offrent sous ce rapport des différences assez notables. Parmi les principes immédiats dont l’analyse a révélé l’existence dans la racine du rubia tinctorum, on compte cinq ou six matières colorantes, rouges ou jaunes, dont les plus importantes sont l’alizarine, découverte en 1826 par Robiquet et Colin, et la purpurine. La matière colorante des tissus teints en rouge turc est essentiellement de l’alizarine avec quelques traces de purpurine. L’extraction de ce principe est une opération longue et compliquée. L’alizarine pure a un pouvoir tinctorial égal à environ 90 fois celui d’une bonne garance.

La garance du commerce donne, avec les mordans d’alumine et de fer, des nuances très belles et très solides, si l’on a soin d’aviver le tissu teint. Elle présente cependant des inconvéniens, qui dépendent surtout des substances étrangères associées à l’alizarine et à la purpurine, et de la solubilité imparfaite du principe colorant à l’état où il se trouve dans la garance. Bien des procédés ont été proposés pour purifier la garance et pour la concentrer sous un