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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/917

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moindre volume. Ainsi on a essayé d’obtenir un produit plus riche et plus pur en éliminant par un lavage à l’eau les gommes, les sucres, les principes extractifs, les matières fauves et jaunes : c’est la garance lavée ou fleur de garance de MM. Julian et Roquer, qui depuis vingt ans remplace presque partout la garance brute ; 100 kilogrammes de garance fournissent de 55 à 60 kilogrammes de fleur. Les frais de la main-d’œuvre sont payés par la fabrication de l’alcool de garance à l’aide des eaux de lavage ; 100 kilogrammes de garance donnent de 7 à 10 litres d’alcool d’un goût désagréable, qui est employé à des usages industriels. La fleur fournit à peu près deux fois autant de matière colorante sous le même poids, elle produit à la teinture des violets plus beaux et plus purs, quoique aussi solides que ceux que donne la garance ; malheureusement elle n’utilise pas mieux le principe colorant, car les résidus de teinture attestent une perte nette de 45 pour 100, et il faut les reprendre et traiter pour garanceux, produit secondaire qui donne des teintes moins belles. Un autre produit analogue est la garancine, qu’on obtient en traitant la garance par l’acide sulfurique ; 100 kilogrammes de cette dernière donnent environ 35 kilogrammes de garancine, et ce produit teint de quatre à cinq fois plus que la garance ; mais les couleurs garancine sont moins solides, moins stables que celles qu’on obtient avec la garance ou la fleur.

Il y a enfin les extraits de garance que l’on se procure en épuisant la poudre commerciale ou la fleur par un dissolvant liquide, qui est généralement l’acide sulfureux étendu d’eau. On prépare ainsi ce qu’on appelle l’alizarine verte, laquelle, par une nouvelle rectification, devient l’alizarine jaune, qui possède un pouvoir tinctorial trente-six fois supérieur à celui de la garance brute. Les belles recherches de M. Émile Kopp sur la garance d’Alsace ont montré que par la conversion en alizarine on obtient un avantage de 50 pour 100 sur l’emploi de la garance en nature, ou que cette dernière représente à la teinture les deux tiers seulement des principes colorans qu’on en peut retirer.

Les garances des divers pays se rattachent par leur composition et leurs qualités à deux types extrêmes : la garance d’Avignon et la garance d’Alsace. Cette dernière est exempte de carbonate de chaux, sel qui parait nécessaire pour obtenir des nuances solides ; aussi les couleurs qu’elle fournit pâlissent-elles rapidement, si l’on n’a pas soin d’ajouter une certaine proportion de craie au bain de teinture. L’absence du sel calcaire dans la garance d’Alsace tient à la nature du sol ; on a constaté que sur un sol amendé par des calcaires marneux elle acquiert les qualités de la garance palud. Les garances de Zélande, de Belgique, de la Silésie, se rapprochent de la garance d’Alsace, celles du Levant du type Avignon.