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donc cette association fameuse dont les plus fières victoires sont écrites sur les monumens de Paris incendiés, sur des murs encore en ruines ? Ce n’est pas la bonne volonté qui lui manque non plus que la haine de tout ce qui existe, non plus que le fanatisme de destruction. Elle recommencerait, si elle pouvait ; elle referait ce qu’elle a fait à Paris, ce qu’elle a fait à Carthagène, à Valence et dans d’autres villes d’Espagne, ce qu’elle vient d’essayer en Italie, dans cette échauffourée de la Romagne, où elle s’est montrée tout juste assez pour se disperser devant quelques carabiniers. Malgré tout, ceux qui parlent pour elle sont obligés de l’avouer, elle ne fait pas fortune pour le moment ; elle est poursuivie ou délaissée, et la lumière du jour ne lui est pas propice. En Belgique, elle est livrée à des querelles de ménage qui affaiblissent sa propagande. En Angleterre, elle ne mord pas sur le bon sens populaire ; les grèves, les agitations ouvrières, ont un caractère propre qui échappe à son action. La Suisse, c’est un délégué de la « fédération jurassienne, » M. Schwitzguebel, qui le déclare, la Suisse offre un mauvais terrain, elle ne donne pas d’espérances jusqu’ici. Tous les calculs de la secte sont déjoués par un certain état où le travail est organisé assez simplement et procure des salaires suflisans, où il n’y a point antagonisme de classes et d’intérêts, où les ouvriers ont les mœurs bourgeoises et n’aspirent qu’à être des bourgeois à leur tour. Qu’est-ce à dire ? Est-ce que cela peut durer ainsi ? Il faut évidemment que la Suisse entre dans le progrès, qu’elle ait bientôt un prolétariat tout exprès pour donner une armée à la secte. Qui sait ? une conflagration générale secouera peut-être l’apathie des ouvriers suisses : il ne faut désespérer de rien ! Jusque-là toutes ces belles choses, le collectivisme, le communisme ou l’anarchisme, ne fleurissent guère en Suisse. En Allemagne, l’Internationale est traquée par les gouvernemens et compte depuis quelque temps bon nombre de mois de prison. Au-delà des Pyrénées, elle a vu s’évanouir les beaux jours des incendies de Carthagène et d’Alcoy ; elle est réduite à se cacher, elle compte encore pourtant quelques « fédérations » qui résistent. La France n’a plus pour l’instant l’initiative révolutionnaire, elle garde néanmoins, on veut bien nous l’assurer, son organisation clandestine. Quant à l’Italie, on s’était trompé, on s’était organisé au grand jour, on était tombé naïvement dans le piège des « libertés du statut. » Il s’agit maintenant de revenir aux bonnes traditions de la conspiration secrète, de discipliner le prolétariat italien, sans nulle immixtion bourgeoise, pour préparer la prochaine révolution sociale.

Voilà donc une fois de plus le bilan de l’Internationale. Quant au programme, à travers toutes ses métamorphoses, à travers toutes les luttes intimes entre collectivistes et individualistes, entre anarchistes et communistes, il ne change guère ; il a pour objet la « destruclion complète de l’état et de toutes ses institutions malfaisantes, l’anéantisse-