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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/70

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d’honneur. Son nom est Meng-la-zêya-thou-tsa-rai-dan-guy, ce qu’on peut traduire par : « noble seigneur investi de la haute dignité d’écrire des lettres. »

À Meuhla, un premier spectacle ayant véritablement un cachet asiatique nous attendait. Un jeune homme du nom de Pangyet Wondonk y avait été envoyé au-devant de nous par ordre de son souverain. Nous le vîmes descendre la berge d’un pas calme et majestueux, abrité des rayons du soleil par une ombrelle dorée que portait un de ses nombreux suivans. Il était un de ceux qui avaient passé plusieurs années en France ; il avait également fait partie de l’ambassade venue à Paris et devait être, comme son compagnon, décoré de la Légion d’honneur. Contrairement à ce qui arrive trop souvent, ce jeune Birman avait su démêler en France la bonne éducation de la mauvaise ; il en était revenu avec une certaine instruction, le goût des études et un grand désir de voir son pays entrer dans la voie qui procurait aux nations européennes le travail, le bien-être et les richesses qu’il y avait rencontrés. Ce jeune homme nous accompagna jusqu’à Mandalay, où il devait rester attaché à la mission en qualité d’interprète et d’intermédiaire entre la cour et nous.

Le soir, une représentation théâtrale et un ballet furent offerts aux membres de la mission. L’effet produit par les danses birmanes et le jeu des acteurs est étrange ; mais ce genre de plaisir devait se renouveler à peu près tous les soirs pendant les deux mois et demi que la mission française séjourna en Birmanie, et l’on conçoit que, l’intérêt de la nouveauté ayant disparu, il n’en reste guère d’autre. Sans comprendre la langue, on finit par saisir l’intrigue. C’est généralement un prince fort amoureux d’une princesse, mais qui, avant d’obtenir sa main, doit triompher d’un certain nombre d’ennemis plus ou moins redoutables. Toutefois quelques-unes de ces représentations sont bien autrement crues ; l’intrigue se passe alors dans la chambre même d’un mari trop aveugle, et Dieu sait jusqu’à quel point il faut qu’il le soit pour ne pas s’apercevoir des scènes, impossibles à dire, qui se passent près de lui et sur lesquelles les rires du public devraient bien attirer son attention. Nous pourrions en dire autant des danses ; à côté de véritables ballets, on voit des danses d’un caractère plus que licencieux. Ces représentations portent le nom général de po’è. La mission en fut rassasiée pendant son séjour dans les états du roi de Birmanie. Parmi les actrices et les danseuses se trouvent des célébrités, et certes Mlle Jendomali et Nengié se croiraient supérieures à nos chefs d’emploi. L’orchestre vaudrait bien la peine d’être décrit, mais les instrumens et le genre d’harmonie qu’ils produisent sont tellement différens