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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/76

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de bétel, d’un peu de chaux vive et d’une noix de l’aréguier. Tout Birman convenable est suivi d’un serviteur portant l’ombrelle ; parmi les nombreux autres suivans se trouvent celui qui porte la boîte à mâcher le bétel, puis celui qui est chargé des cigares, un autre porte l’eau, la coupe pour boire ou pour se laver la bouche, etc.

Il n’est pas exagéré de dire que la Birmanie, à l’exception pourtant des vallées les plus habitées et les mieux cultivées, est remplie de tigres, d’éléphans sauvages, de cerfs et de toute sorte d’animaux dont la chasse aurait été pour plusieurs d’entre nous un bien grand divertissement. Malheureusement l’état de santé de quelques-uns des membres de la mission et des considérations d’un autre ordre s’opposèrent toujours à la mise à exécution d’une de ces parties.

À ce propos, je ne puis résister au plaisir de décrire un spectacle auquel j’ai plusieurs fois assisté ; je veux parler de la capture d’un éléphant sauvage dont on veut faire un animal domestique. Quelque invraisemblable que paraisse la chose, j’affirme ne rien exagérer de ce que j’ai vu. Les éléphans domestiques ne se reproduisent pas d’une façon assez régulière pour faire face à tous les besoins : aussi est-on obligé tous les ans de chercher à s’emparer d’un certain nombre d’éléphans sauvages habitant les grandes forêts de bois de teck. On doit porter son choix sur les éléphans jeunes encore ; en effet ceux qui sont dans la force de l’âge ont quelque peine à passer d’un régime à l’autre, et meurent généralement dès le début du dressage. Le roi, qui est, pour ainsi dire, maître de tout ce qui existe dans son royaume et se considère par suite comme le propriétaire des éléphans qui vivent à l’état sauvage, possède des troupeaux de femelles qui vivent au sein des forêts dans la plus grande indépendance ; mais à une certaine époque de l’année elles sont recherchées par les mâles sauvages. Dès que l’une de ces femelles a fait la rencontre de l’un de ces éléphans, elle l’entraîne à sa suite et va racoler ses compagnes. Le mâle n’y voit pas malice, et s’estime fort heureux de la nouvelle connaissance qu’il a faite ; il se complaît au milieu de ce troupeau de dix à douze femelles, qui du reste ont pour lui les attentions les plus délicates. Ces femelles, bien qu’indépendantes et non soumises à la volonté d’un comac, n’en ont pas moins un certain sentiment d’obéissance à l’homme. Ainsi dans la forêt vivent un certain nombre de cornacs montés sur des éléphans privés, choisis parmi ceux que rien n’effraie, et que la nature a dotés de vigoureuses défenses. Dès que ces conducteurs d’éléphans ont vu le troupeau de femelles réunies autour d’un mâle sauvage, ils impriment à ce troupeau une marche lente et régulière vers la capitale ; ils se laissent peu voir afin de ne pas attirer l’attention