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même se trouve avoir concouru. À la lettre que M. le maréchal de Mac-Mahon lui a écrite, le pape n’a point répondu sans doute par de l’enthousiasme ; peut-être même a-t-il montré quelque réserve au sujet de ce navire qu’on met à sa disposition — de loin. Il a du moins compris qu’il ne pouvait demander à la France de prolonger une situation compromettante, et par sa réponse il a donné l’exemple de la modération à ceux qui voudraient être plus papistes que le pape, au risque de méconnaître les intérêts les plus évidens de leur pays.

L’essentiel est que cette question, qui en certains momens pouvait être une arme aux mains des partis, aux mains de nos ennemis, a cessé d’exister. C’était une anomalie, une combinaison qui ne répondait désormais à rien. Entre les deux nations, il ne reste plus que des raisons de sympathies, d’alliance, et pas un prétexte de froissement sérieux. Certainement M. Thiers, qui voyage en ce moment au-delà des Alpes, qui vient de visiter Turin, Milan, Venise, Bologne, Florence, M. Thiers a raison de le dire et de le répéter sur son passage : la France ne peut songer à inquiéter l’Italie dans la souveraine possession d’une indépendance nationale qu’elle l’a aidée à conquérir. Que les Italiens commentent ou reproduisent à leur façon ces paroles de bonne amitié répandues par le plus illustre messager, peu importe. Le voyage de M. Thiers aura cet effet utile de démontrer à l’Italie la force des liens qui ne peuvent que se resserrer entre les deux peuples. Les Italiens le sentent bien, et la manière dont ils reçoivent M. Thiers est aussi habile que naturelle. C’est à la France qu’ils témoignent leurs sympathies en accueillant comme un hôte ami celui qui a été le chef de notre pays dans les circonstances les plus douloureuses, et en même temps ils mettent leur finesse dans ces hommages rendus à celui dont la présence est la preuve la plus décisive de l’irrévocable accomplissement de l’unité nationale. Tout se réunit donc pour fixer dans des conditions de régulière et permanente cordialité les rapports des deux nations, et c’est sous cette influence que vont se faire les élections italiennes, décrétées pour le 8 novembre. Les événemens ont jusqu’ici donné raison au parti libéral modéré et à sa poUtique de sympathie pour la France, au cabinet actuel qui vient de se fortifier par l’entrée au ministère de l’instruction publique d’un des esprits les plus libres et les plus savans de la péninsule, M. Ruggiero Bonghi, On peut donc dire que cette lutte électorale va s’engager sous de favorables auspices. Elle a été ouverte l’autre jour par un habile et lumineux exposé financier que le président du conseil, M. Minghetti, est allé faire devant ses électeurs de Legnago. Il est vrai, du fond de sa retraite de Caprera, le vieux Garibaldi vient de rompre le silence pour fulminer contre ce qu’il appelle les corruptions officielles et pour conseiller à ses compatriotes d’envoyer au parlement des condamnés politiques ! Les conseils de l’oracle n’auront pas vraisemblablement un effet bien décisif. L’opposition de gauche, bien qu’assez désorgani-