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sée et manquant de chef reconnu, garde peut-être encore quelques chances à Naples, le pays de l’opposition ; elle aura de la peine à balancer les forces ministérielles dans les autres parties de l’Italie. La question ne semble pas même être là précisément ; elle est plutôt dans la nature de la majorité sur laquelle on compte. Cette majorité nouvelle aura-t-elle assez d’unité et de cohésion pour offrir à un ministère un point d’appui invariable et sûr qui a manqué dans l’ancienne chambre ? C’est une condition du régime parlementaire, a dit l’autre jour M. Minghetti dans son brillant discours de Legnago. C’est la question que l’Italie va résoudre dans ses élections.

L’Espagne serait heureuse, si elle n’avait pas d’autres problèmes, et si aux problèmes inévitables on ne semblait prendre à tâche d’ajouter des complications au moins inutiles. Que se passe-t-il donc depuis quelque temps au-delà des Pyrénées ? Il y a nécessairement quelque chose d’extraordinaire et d’énigmatique. Tout paraissait simplifié par cette reconnaissance qui a été un moment l’affaire de l’Europe. Après les représentans d’Allemagne et d’Autriche, l’ambassadeur de France, arrivé plus tard, M. de Chaudordy, a été reçu, il y a quelques jours, par le président du pouvoir exécutif espagnol, et il a parlé simplement, correctement, en homme qui n’a point à démontrer par des phrases les vieilles traditions d’amitié qui existent entre les deux pays. À son tour, le ministre d’Angleterre, M, Layard, a eu son audience, et, après avoir sauvé l’an dernier le général Serrano d’une échauffourée à Madrid, il avait certes toute sorte de titres particuliers pour donner amicalement au président espagnol le conseil de ne se fier qu’à une « complète indépendance et à la libre expression de la volonté populaire. » On aurait dit après cela que tout était fini, qu’il ne restait plus qu’à entretenir des rapports de bonne intelligence, à dénouer amicalement et sans bruit ces « difficultés passagères » dont le général Serrano et notre ambassadeur ont parlé dans leur première entrevue ; mais non, à peine les rapports officiels ont-ils été rétablis, M. l’ambassadeur d’Espagne à Paris n’a eu rien de plus pressé que de présenter à notre ministre des affaires étrangères un nouveau factum, énumérant toute sorte de griefs, destiné, paraît-il, à démontrer comme quoi, si le gouvernement de Madrid n’est point encore parvenu à se rendre maître de l’insurrection carliste, c’est la faute de la France. Il y a là un procédé assez étrange pour avoir causé une certaine surprise dans le public européen, qui s’est trouvé saisi de ces plaintes prolixes à peu près aussitôt que le gouvernement français. Le fait par lui-même ne peut pas avoir des conséquences bien graves ; il dénote néanmoins des dispositions assez singulières, et il est peut-être permis de s’étonner d’une attitude si peu conforme aux véritables intérêts comme aux vrais sentimens des deux pays.

De quoi peut donc se plaindre le gouvernement de Madrid ? Est-ce