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tôt de la placer sous la menace de complications incessantes. Le secret de notre politique extérieure aujourd’hui, c’est après tout de savoir garder une bonne attitude.

Après cela, nous en convenons, tout se tient, et M. le ministre des affaires étrangères pourrait, lui aussi, jusqu’à un certain point, dire : Faites-moi une bonne politique intérieure, je vous ferai une bonne diplomatie. Est-ce que notre politique extérieure n’a point elle-même à se dégager de toutes ces contestations, de ces contradictions et même de ces taux bruits, de ces fausses nouvelles qui la réduisent à poursuivre perpétuellement un équilibre toujours fuyant, des conditions d’existence toujours insaisissables ? Voilà le malheur ! on en est encore à chercher la manière d’arranger le septennat, à concilier des fractions de partis, à essayer de reconstituer la majorité du 24 mai ou à recommencer le contrat d’union des deux centres, et, pour tout dire enfin, à résoudre le problème d’avoir l’air de faire quelque chose en ne faisant rien. Maintenant une nouveauté vient d’apparaître tout à coup, la vraie solution est trouvée ! Elle s’était présentée assez modestement à la fin de la session dernière, depuis elle a fait du chemin, elle a sa place parmi les combinaisons merveilleuses. Il s’agirait simplement de proroger l’assemblée de Versailles elle-même, comme le pouvoir exécutif, pour sept ans, — de septennaliser la France entière, de faire de ce chiffre de sept années un chiffre cabalistique, probablement en souvenir d’une ancienne légende. Qu’on remarque bien ceci : l’assemblée date déjà de près de quatre ans, en 1880 elle aura une dizaine d’années d’existence. L’idée étant donnée, on ne voit pas bien pourquoi l’assemblée ne se prorogerait pas indéfiniment, pourquoi aussi, dans la loi qui constituera la prorogation, on n’inscrirait pas un article portant qu’aucun député ne mourra ! Évidemment le moyen est ingénieux. Puisqu’on ne s’entend sur rien, puisqu’on ne peut aborder les questions les plus essentielles sans se heurter et sans tomber dans l’impuissance, puisqu’au milieu de tous ces partis divisés, morcelés, implacables, le chef du pouvoir exécutif a de la peine à démêler la majorité où il pourra prendre un ministère, il n’y a qu’une manière de tout concilier et d’échapper à la difficulté, c’est de prolonger cet état jusqu’à 1880 ! Pendant ce temps, le pays sera dispensé d’avoir une opinion sur ses affaires, sur sa constitution, sur son organisation politique, et comme les partis n’existeront pas moins avec leurs prétentions, — comme monarchistes, impérialistes, républicains, n’auront manifestement d’autre préoccupation que de se préparer pour l’échéance fatale, on aura l’avantage d’avoir constitué l’anarchie la plus dangereuse, l’anarchie des idées dans un provisoire de sept ans.

Ce qu’on propose aujourd’hui n’eût point été sans doute impossible il y a deux ans, à la condition qu’on en acceptât les conséquences. La permanence de l’assemblée pouvait se concilier et se combiner avec un renouvellement partiel et périodique. C’eût été la souveraineté natio-