Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES
DECOUVERTES MARITIMES
ET LA GRANDE ARMADA


I

Après avoir fait connaître ce que la navigation dut aux progrès des sciences mathématiques pendant le XVe et le XVIe siècle[1], il me reste à exposer à quelles sources les marins de cette mémorable époque puisèrent leurs inspirations et l’audace de leurs entreprises. L’ardeur des découvertes maritimes n’est pas chose nouvelle en ce monde. L’antiquité avait eu la Colchide et le jardin des Hespérides ; le moyen âge eut les trésors de l’Inde et le pays des épices ; mais ici l’analogie s’arrête. Hercule ne franchissait la redoutable enceinte gardée par le dragon que pour y aller ravir les fruits qui tentèrent Atalante. Argo, « la nef à voix humaine, » ne courait, sous la conduite de Jason, qu’à la conquête de la toison d’or ; les intrépides navigateurs qui montaient les caravelles espagnoles et portugaises se promettaient, en même temps que l’acquisition de grandes richesses temporelles, un résultat plus important encore à leurs yeux : la conversion des idolâtres et l’extermination des infidèles. Dès les premières années du XIIIe siècle, quand la chrétienté aux abois cherchait de tous côtés des alliés contre les belliqueux sectateurs de l’islamisme, il courait en Europe les bruits les plus étranges sur la puissance et les merveilleuses richesses de deux potentats, dont l’un était chrétien, et dont l’autre aspirait, disait-on, à le devenir. Le premier de ces potentats s’appelait le

  1. Voyez, dans la Revue du 1er septembre, la Navigation hauturière.