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Roanoke, fondée l’année précédente sur les côtes de la Virginie par sir Walter Raleigh. En 1586, il fait route avec une autre flotte non plus pour les Indes occidentales, mais pour Lisbonne même et pour Cadix. Les Espagnols se voient avec stupéfaction attaqués dans ceux de leurs ports qu’ils croyaient à bon droit les plus sûrs. Drake y brûle en une seule expédition les navires par centaines. Le fameux galion des Indes orientales ; le Saint-Philippe, était attendu à Tercère. Drake s’établit en croisière au milieu des Açores, et y supporte des privations incroyables plutôt que d’abandonner son dessein. Sa patience est récompensée, il ramène en Angleterre la plus riche capture qui ait jamais été faite.

Philippe II supportait tous ces coups, je ne dirai pas sans se plaindre, mais sans vouloir rompre encore ouvertement. Par les soins habiles de Walsingham, conseiller privé d’Elisabeth, ses traites venaient d’être protestées à Gênes. Walsingham retarda ainsi d’une année les projets d’invasion. L’orage cependant continuait de s’amasser en silence. Le duc de Parme s’emparait peu à peu sur les côtes de Flandre des places du littoral, et tous les ports de la monarchie équipaient des galions. La grande armada ne va pas tarder à entrer en scène ; c’est l’histoire militaire de la marine moderne qui commence.

D’autres expéditions ont été préparées avec autant de maturité ; aucune n’a mieux mérité de réussir que la grande entreprise de 1588. L’invasion devait venir des côtes de Flandre. Le duc de Parme avait rassemblé d’Espagne, de France, de Savoie, d’Italie, de Naples, de la Sicile, de l’Allemagne et même de l’Amérique, Une armée de 40,000 fantassins et de 3,000 cavaliers. Il voulait franchir le détroit avec 30,000 hommes au moins et 800 chevaux. Des forces navales supérieures lui fermaient le passage ; il n’attendait pour partir que d’être débloqué ; en attendant, il avait cantonné ses troupes. Près de Nieuport se trouvaient trente compagnies d’Italiens, dix de Wallons, huit d’Écossais, autant de Bourguignons, — à Dixmude, quatre-vingts compagnies de Néerlandais, soixante d’Espagnols, soixante d’Allemands. 700 transfuges anglais, écossais, irlandais, s’étaient rassemblés sous le commandement de sir William Stanley et de Charles Nevil, comte de Westmoreland ; 12,000 hommes campaient avec le duc de Guise sur la côte de Normandie. L’Angleterre allait donc avoir à combattre la première infanterie du monde, commandée par le meilleur capitaine de l’Europe. Pour effectuer le transport de ses troupes, le duc de Parme avait à Dunkerque trente-huit navires de guerre montés par des marins de Brème, de Hambourg, d’Emden et de Gênes ; à Nieuport, deux cents bateaux de moindres dimensions. Flotte et flottille, tout