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approche, et déjà l’opinion publique commence à s’émouvoir. Un étranger, John Howard, visite nos prisons et pousse à leur aspect un cri éloquent qui retentit dans la conscience publique ; mais les terribles événemens des années suivantes détournent les esprits de cette préoccupation naissante, et lorsque la sécurité est rétablie, lorsque les portes des prisons se sont ouvertes devant les innocentes victimes qui y avaient été renfermées, le bruit des armes empêche d’entendre les plaintes légitimes de ceux qui continuent à y expier leurs crimes. La pensée pénitentiaire qui cherche à allier la moralisation à la répression ne tient qu’une faible place dans le code pénal de 1810, dont les auteurs n’aperçoivent pas nettement cette vérité si bien mise depuis lors en lumière et en pratique par le grand jurisconsulte américain Livingston, à savoir que toute législation qui édicté des peines est incomplète et presque impuissante, si elle ne statue en même temps, par des dispositions spéciales et détaillées, sur le mode d’exécution de ces peines. »

Le consciencieux rapporteur de la commission d’enquête signale ensuite la reprise du mouvement libéral sous la restauration et rappelle les grands débats qui préparèrent alors la réforme pénitentiaire. On remonte jusqu’à l’origine du droit de punir, on renferme dans des limites certaines l’exercice de ce droit, et on détermine les conditions morales auxquelles le châtiment doit satisfaire. Arrive 1830, et la cause de la réforme, déjà gagnée en théorie, est sur le point de triompher dans les faits. Les rapports de MM. de Beaumont et de Tocqueville à la chambre des députés, de M. Bérenger à la chambre des pairs, vont assurer le succès d’un projet de loi conçu dans cet esprit d’amendement moral réclamé par la civilisation chrétienne, quand éclate la révolution de 1848. Tout est remis en question ; obligée de défendre son principe même et de vivre au jour le jour, la société n’a plus le loisir nécessaire à de telles études. On ne les reprit que vingt années plus tard. « C’est à l’administration, dit M. le vicomte d’Haussonville, que revient l’honneur d’avoir, au mois d’octobre 1869, provoqué un réveil de l’opinion en instituant une commission composée des hommes les plus compétens et qui devait avoir pour objet l’étude des questions de patronage. » Cette commission, il la montre « poussée par le mouvement des esprits qui signala les premiers mois de l’année 1870, » agrandissant le cercle de ses travaux, se préparant à les couronner par des résultats plus complets, quand les désastres de la guerre et les convulsions politiques qui en furent la suite ajournèrent encore une si généreuse entreprise. « Ainsi, ajoute l’auteur, la brutalité des événemens venait pour la deuxième fois entraver l’œuvre de la réforme pénitentiaire, et démontrer cette vérité qu’autant la liberté