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est favorable aux nobles préoccupations de l’esprit humain, autant les révolutions leur sont contraires. »

Nous n’avons pas à entrer dans les détails du beau rapport de M. le vicomte d’Haussonville. C’est tout un livre où les questions les plus graves comme les plus délicates sont traitées avec une attention, une prudence, une charité, qui ne se démentent pas un instant. Est-ce au ministère de l’intérieur ou au ministère de la justice que doit ressortir l’administration des prisons ? Est-ce au département ou à l’état que doivent appartenir les maisons de détention ? Quel est le meilleur régime d’éducation correctionnelle ? Quels sont les avantages ou les défauts de notre organisation pénitentiaire comparée à celle des pays étrangers ? Comment remédier à nos misères ? Comment préserver du découragement les agens même les plus dévoués ? Comment se mettre en mesure de combattre chaque jour le mal qui chaque jour renaît ? Ces problèmes et bien d’autres encore fournissent à M. le vicomte d’Haussonville des études empreintes des plus nobles sentimens de justice et d’humanité. Après tant de criminalistes qui ont agité les mêmes questions, il a su les rendre neuves grâce aux documens qu’il a rassemblés de toutes parts. Ce sujet pourtant ne nous appartient pas, nous le laissons à de plus compétens dont les éloges auront plus de prix pour l’auteur. Bornons-nous à la partie philosophique du travail ; ce qui nous intéresse dans ces belles études, c’est l’inspiration même qui les anime, c’est-à-dire la poursuite constante de l’amendement moral du condamné, complément indispensable et justification du droit de punir.

Cette préoccupation est manifeste à toutes les pages du rapport de M. d’Haussonville. Les novateurs les plus humains du XVIIIe siècle seraient bien surpris de voir combien ils avaient encore de progrès à faire et d’étapes à parcourir, eux qui se croyaient si hardis dans leurs réclamations. C’est ici qu’apparaît la supériorité de notre siècle. Voltaire est admirable quand il flétrit les procédures iniques et réclame avec la publicité des débats la liberté de la défense ; mais, s’il s’agit d’un coupable justement frappé, s’occupe-t-il de son sort ? le suit-il dans sa prison ? a-t-il l’idée d’une amélioration possible ? soupçonne-t-il que le malheureux peut sortir de cette fange et renaître à la lumière ? Pas le moins du monde. Il sait que le pauvre diable brûlé, rompu, pendu, ne sera plus d’aucun usage pour la communauté sociale, et, insistant sur ce point plus drôlement qu’on ne voudrait, il propose d’utiliser ces forces perdues. Mandrin était brave, héroïquement brave ; il fallait lui donner un régiment et l’envoyer au Canada se battre contre les Anglais. Ce faussaire excelle dans le maniement du burin, que ne lui trouve-t-on un