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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/589

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LA SITUATION POLITIQUE. 58 3 d’une main ferme. Pour sortir de l’impasse où nos hommes d’état ont enfermé leur trop subtile politique, il faut faire un appel suprême et presque désespéré au patriotisme de tous les partis, demander à tous le sacrifice de leurs rêves, de leurs espérances, de leurs affections et de leurs passions sur l’autel de la patrie. Il faut poser et résoudre enfin le problème qu’on a mis tant d’habileté jusqu’ici à éluder ou à renvoyer à une époque indéterminée : définir et organiser le gouvernement de la France après bientôt quatre ans d’hésitations et d’ajournemens.

Certes, décider à voter le septennat tous les partis qui avaient renversé M. Thiers n’était pas une œuvre facile, et M. de Broglie n’y a pas réussi sans mettre en jeu bien des facultés qui lui sont propres. Seulement il doit reconnaître maintenant que le plus difficile reste à faire pour donner à cette œuvre la portée et la consistance d’une institution utile au pays et au parti conservateur. Si le centre droit a cru qu’il suffit de proroger pour sept ans les pouvoirs du président actuel de la république pour rassurer le pays et désarmer les partis, il doit voir son illusion. S’il a pensé que la même majorité de coalition qui a voté la loi de prorogation voterait avec la même résolution les lois constitutionnelles nécessaires à l’organisation du septennat, il n’en est plus sans doute à confesser son erreur. On nous a dit que quelques-uns de ses chefs avaient de la peine à prendre leur parti, et qu’ils n’avaient pas fait tous leurs efforts, avant la formation du ministère où entrèrent MM. Magne et de Fourtou, pour faire aboutir la combinaison qui pouvait amener le rapprochement des centres. Nous en serions surpris, et, comme en toute politique pratique qui veut la fin veut les moyens, nous voulons encore espérer qu’en désespoir de cause ils aideront le gouvernement du maréchal à former cette majorité nouvelle, sans laquelle il devient de plus en plus impossible d’achever l’œuvre commencée.


II

Qu’est-ce qui fait les principales difficultés de la situation actuelle ? C’est l’équivoque qui plane sur le septennat. Tout se cache et se confond sous ce mot, que la loyauté du noble maréchal n’a pu encore définir de manière à en dissiper l’obscurité. Le septennat sera-t-il personnel ou impersonnel ? sera-t-il la première institution d’une république ou la transition à une monarchie attendue, dans un délai qu’on ne fixe point, par les uns d’un vote parlementaire, par les autres d’une acclamation populaire ? On nous dit bien dans le langage officiel : « Ne voyez dans le septennat que ce que la loi du 20 novembre y a mis, c’est-à-dire un pouvoir qui