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de l’esprit de la loi Dufaure. Peut-être en effet y a-t-il excès à pousser le principe des circonscriptions électorales à ses dernières conséquences. Quant à conserver en principe le scrutin de liste pour le département, sauf à partager les départemens en plusieurs circonscriptions au-delà d’un nombre déterminé de députés, il est évident qu’au point de vue conservateur ce n’est que diminuer, dans une faible proportion, un mal qu’il faudrait supprimer ; mais, au point de vue opposé, il faut reconnaître aussi qu’on affaiblit singulièrement la vertu démocratique du scrutin de liste en en bornant l’application à un nombre fort restreint d’arrondissemens. Laquelle des deux transactions prévaudra ? Pour le préjuger, il faudrait être plus sûr que nous ne le sommes des forces et des dispositions des partis. Ce qui en tout cas nous paraît certain, c’est que l’assemblée, en grande majorité, n’hésitera point à fractionner en circonscriptions électorales plus ou moins étendues les départemens qui nomment un très grand nombre de députés, comme la Seine, la Seine-Inférieure, le Nord, le Rhône, les Bouches-du-Rhône, la Gironde, etc., et elle le fera avec l’assentiment de tous les partis qui veulent des élections sérieuses.

Quelle que puisse être la solution de cette grave et difficile question, s’il est une loi constitutionnelle que l’assemblée doive faire avant de se séparer, c’est la loi électorale politique. Tous les partis doivent y concourir pour la dignité et la moralité du suffrage universel, qui est la loi suprême du pays et le principe de toutes les autres. On ne peut y toucher, on ne peut guère le réformer sans l’altérer : on ne peut que le régler. La loi qui va faire l’objet des discussions du parlement n’entend pas faire et ne fait pas autre chose. On est à peu près d’accord dans l’assemblée, comme dans la commission, que, s’il est possible de trouver des garanties solides contre les dangers d’une démocratie facile à égarer, c’est non pas dans la réforme du suffrage universel lui-même, qu’on risquerait de mutiler, mais dans une forte organisation du gouvernement de cette démocratie qu’il faut les chercher. Cette représentation des intérêts, cette satisfaction à donner aux principes de conservation sociale, c’est dans la constitution du pouvoir exécutif, et plus encore dans la constitution d’une seconde chambre qu’on les trouvera ; partout ailleurs efforts impuissans pour imaginer d’ingénieux systèmes, de subtils expédiens qui ne rallieront jamais une majorité. C’est aussi, qu’on me permette de finir par là, dans l’établissement d’un gouvernement défini et définitif, avec réserve formelle, si l’on y tient, des droits du souverain, dont les pouvoirs constitutionnels ne sont que des délégués.


E. VACHEROT.