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LA RESTAURATION
DE NOS MONUMENS HISTORIQUES
DEVANT L'ART ET DEVANT LE BUDGET


I.

Notre siècle est le premier qui se soit piqué de réparer les édifices des siècles passés sans les défigurer. Jusqu’ici chaque époque appliquait aux monumens des époques précédentes son goût et son style : la nôtre au contraire emprunte souvent, pour les édifices contemporains, les formes et les styles des âges écoulés. Comprenant tous les arts et toutes les époques, n’ayant point, à proprement parler, d’art ou de style original, faisant à volonté du grec ou du romain, du byzantin ou du gothique, nous ne sommes point tentés de déformer les monumens que nous ont laissés nos pères de la façon dont ceux-ci ont déformé les monumens de leurs ancêtres. C’est toujours dans leur style et non dans le nôtre que nous prétendons réparer nos vieilles cathédrales, nos vieux châteaux. Notre temps est le seul qui ait su restaurer les anciens édifices, disons-nous volontiers. Il y a dans cet éloge de nous-mêmes une part de vérité et de justice, une part d’erreur ou d’illusion. Nous ne rhabillons plus, comme nos aïeux, les constructions des autres époques dans un style étranger, nous ne les travestissons plus à la grecque ou à l’italienne ; en réalité, nous ne les en accommodons guère moins à notre goût et à notre caprice. Les monumens n’ont échappé aux périls des restaurations des siècles précédens que pour tomber avec nous dans un péril opposé et comme inverse : ce n’est plus l’ignorance, c’est le savoir même des architectes qui les met en danger.

À force d’études, nous avons réduit l’art et les procédés du moyen