Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/621

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devoir être encouragés au point de vue de l’art comme à celui de l’histoire ; ce serait le meilleur moyen de faire la part aux artistes anciens et aux artistes vivans sans sacrifier les uns aux autres.

Ce n’est aucun de ces procédés d’une savante critique que nous réclamons pour la restauration de nos églises. Ce que nous demandons pour elles, c’est le respect des formes existantes, d’ordinaire assez bien conservées, assez nettement indiquées pour qu’il soit aisé de les reproduire. Ce que nous demandons, c’est que les reconstructions de nos cathédrales les renouvellent sans les déformer, c’est que la restauration, si facile en architecture, ne serve point de prétexte à l’innovation, c’est en un mot que les monumens contemporains soient abandonnés au goût et à l’invention des artistes vivans, et que les monumens des siècles passés soient soustraits à leurs caprices et à leurs fantaisies. Un tel vœu paraît modeste, il semble que personne n’y puisse refuser son acquiescement. Il y a cependant pour les restaurateurs de nos églises deux manières d’échapper à l’obligation que leur devrait imposer le respect des monumens originaux du moyen âge ; il y a deux motifs ou deux prétextes d’innovation d’autant plus dangereux qu’ils se couvrent de l’intérêt même de l’édifice et de l’archéologie. C’est d’abord le besoin de fortifier et d’améliorer la construction, de modifier les parties défectueuses pour mieux assurer la solidité et la préservation des autres ; c’est ensuite la prétention de remettre toutes choses en l’état primitif, de débarrasser l’église du XIIIe siècle des adjonctions ou des altérations des siècles suivans pour la ramener entièrement au plan original. C’est ainsi au nom de leur conservation qu’on démolit nos cathédrales, et au nom de l’antiquité qu’on les transforme et les défigure. Une église mise en restauration est exposée à être modifiée d’un côté au profit de la construction, de l’autre au profit de la science archéologique, et, comme il n’existe aucune autorité incontestée pour décider dans l’un ou l’autre cas, il y a peu de parties de l’édifice qui soient sûres d’échapper aux remaniemens.

Le danger que font courir aux monumens gothiques les prétendus besoins de la construction est le principal parce qu’il est le plus général. La construction est en effet la partie faible de l’architecture du moyen âge, de l’architecture gothique en particulier. À ce point de vue, elle est franchement inférieure à l’architecture de l’antiquité. On a souvent remarqué l’air vieux et parfois décrépit de nos cathédrales comparé à l’air de force et de jeunesse de temples grecs en réalité plus âgés de quinze ou vingt siècles. Cette infériorité tient à deux causes, l’une accidentelle, accessoire, l’autre normale et pour ainsi dire constitutive. La première est dans le mauvais choix, la mauvaise qualité des matériaux, souvent aggravée par une