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ports des États-Unis n’avaient reçu au total que 32,000 navires jaugeant 12 millions de tonneaux. Il ressort de ces prémisses deux conséquences du plus haut intérêt : l’une que le tonnage du port de New-York est à lui seul le tiers de celui de tous les ports de l’Union, et ceci nous explique d’un seul trait l’importance commerciale de cette place, — l’autre que le tonnage des steamers qui fréquentent ce port y est de plus de moitié de celui des autres navires, ce qui confirme ce phénomène économique dont tous les marins ont été frappés depuis quelques années, que la vapeur tend de plus en plus à se substituer partout à la voile.

Il est à noter que, parmi les steamers qui font le service entre New-York et les ports européens, aucun n’est américain, et que, parmi les navires qui fréquentent le port de New-York, le pavillon étranger occupe une place de plus en plus prépondérante. Ces faits n’avaient pas lieu avant que les États-Unis eussent adopté, sous prétexte de favoriser leur commerce et leur industrie et de payer la dette de leur dernière guerre, des mesures douanières de protection et même de prohibition. L’adoption de ces règles d’un autre âge leur a coûté cher, tout en permettant, il faut bien le reconnaître, à quelques industries, telles que le tissage des étoffes, la fabrication du fer, de l’acier, du cuivre, de se développer chez eux avec un succès, un entrain qui étonne. En revanche, le prix de la main-d’œuvre et des matières premières s’est élevé si haut dans toute l’Union que non-seulement aucun steamer de commerce, mais encore aucun navire à voile de grande portée n’a pu y être économiquement construit pour être mis en concurrence avec ceux d’Europe. Les chantiers de construction maritime de l’Union, naguère encore si animés, chôment aujourd’hui pour la plupart, et les Américains, ces « rouliers de la mer, » qui avaient hier la plus formidable marine du globe, qui naviguaient le plus vite et le plus économiquement, ont cédé peut-être pour toujours la première place à l’Angleterre.

Le mouvement incessant des marchandises apportées en quantités si considérables sur des points relativement restreints, l’absence d’un grand dock central établi dans les bassins mêmes ; comme à Londres, tout cela fait qu’à New-York le pavage et l’entretien des quais et des rues du bas de la ville est une entreprise des plus difficiles. Ajoutons qu’une municipalité sans foi a dans maintes rencontres impudemment empoché l’argent des contribuables pour le partager avec les « politiciens » qui l’avaient nommée, et qu’il a fallu envoyer aux travaux forcés plus d’un surintendant des travaux urbains. Qui n’a pas vu le triste état des quais de l’Hudson, de ceux de la rivière de l’Est, de toutes les rues circonvoisines, et même de bon nombre de rues au cœur de la grande ville quand les riches n’y habitent point et ne prennent pas à leur charge le soin des trottoirs