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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/823

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révolution de février, l’ensemble des dettes publiques des peuples civilisés montait à plus de 44 milliards. Enfin pendant la période tourmentée et guerrière qui s’étendit de 1848 à 1870, les engagemens des états s’accrurent bien davantage. M. Dudley-Baxter, à la veille du terrible choc entre la France et l’Allemagne, pouvait évaluer le montant des dettes nationales à 100 milliards de francs ; aujourd’hui ce chiffre est certainement de beaucoup dépassé : l’on ne risque pas de tomber dans l’exagération en disant que les dettes publiques des peuples de notre groupe de civilisation représentent une somme qui équivaut à toute la richesse de la France. De 1848 à 1870, le chiffre moyen des emprunts d’état s’est élevé à 2 milliards 1/2 de francs par année. Les efforts pour éteindre ou pour réduire les dettes publiques ont été depuis l’origine jusqu’à nos jours aussi faibles et aussi intermittens qu’a été violent et continu l’entraînement à les contracter. On ne cite que six états qui aient réussi à alléger le fardeau en capital de leurs engagemens perpétuels ; ce sont la Grande-Bretagne, les États-Unis, la Hollande, la Belgique, la Prusse et le Danemark. La France tient aujourd’hui le premier rang sur la liste des pays endettés : de quelque manière que l’on fasse le calcul, un voit qu’elle est de tous les pays d’une grande civilisation celui qui se trouve le plus chargé par les fautes du passé. Comment s’est développée notre dette nationale ? Quels sont les élémens divers qu’elle contient ? Quelles sont les chances et quels sont les moyens de la réduire ? Voilà des sujets d’études qui soulèvent les plus intéressantes questions scientifiques et administratives.


I

Ce qui frappe dans l’examen des origines de la dette publique de la France, c’est la date récente des engagemens qui la composent. La somme que nous devons en capital et dont nous payons les arrérages annuels a été empruntée, sauf un vingtième environ, depuis soixante ans. Nos ancêtres, par des procédés sommaires que condamnent la loyauté et l’intelligence financière de notre temps, se sont débarrassés de la plus grande partie des dettes de l’ancien régime. Il ne s’agit pas d’entrer ici dans le dédale de l’administration de la vieille monarchie ou de la révolution ; ce serait une étude rétrospective sans intérêt pratique. On sait combien étaient divers les engagemens d’alors : il y avait des dettes constituées et perpétuelles, des dettes viagères, des dettes criardes, anticipations, assignations, rentes sur la couronne, sur les pays d’état, etc. : l’énumération complète en serait aussi fastidieuse que longue. On eut l’idée