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l’explosion soudaine à laquelle il assistait n’était que le complément d’une œuvre de dix siècles, et que la base même du mouvement était l’égalité des conditions.

Cet essai constitutionnel provoqua une vive colère dans la droite. Le principal sujet d’irritation était la question des deux chambres. Le parti aristocratique flétrissait ce système, parce qu’il lui reprochait d’avoir causé la défection de la minorité de la noblesse et de donner à une partie de l’aristocratie, au détriment de l’autre, l’espérance de la pairie. Une occasion du reste allait s’offrir pour juger du peu de progrès des idées libérales.

Les feuillans, autrement dit les constitutionnels, étaient appelés à tenter le dernier effort pour le maintien de la royauté. Après la mort de Mirabeau, à la suite d’une visite que M. de Montmorin avait faite de la part du roi à Alexandre de Lameth, il avait été convenu qu’il y aurait une révision de la constitution. Dans cette révision, qui devait être principalement confiée à Thouret, à Duport, à Beaumetz et à Barnave, le roi aurait repris une partie de son autorité et de ses pouvoirs. L’ordre public devait être établi sur de nouvelles bases. — Le parti constitutionnel s’était séparé du club des jacobins, qu’il avait fondé. A propos du projet de loi sur l’organisation du corps législatif, Duport commença la lutte. Il n’est point permis d’oublier ces mémorables paroles : « tout s’est fait jusqu’à ces derniers momens comme il devait se passer, et je ne voudrais retrancher de notre révolution que d’inutiles cruautés qui la défigurent ; mais il n’est personne parmi nous qui, dans sa conscience, n’ait pensé que la pente des esprits, si utile à l’établissement de la liberté, ne devait être favorisée que jusqu’au moment où elle-même cesserait de favoriser les véritables idées de liberté et d’un gouvernement sage. Ce moment est-il venu ? Je le pense. » — Et Duport, doutant que ses concitoyens eussent des notions justes sur la liberté, la définissait ainsi : « la liberté est la limite des droits de chacun, limite posée par la justice, exprimée par la loi, défendue par la force publique. » Déjà dans l’assemblée et surtout hors de l’assemblée, tout un parti commençait à penser que la révolution devait avoir pour dénoûment la république. Duport y faisait allusion quand il disait dans ce même discours : « D’autres font répandre que les principes d’égalité et de liberté seraient plus religieusement observés sous une autre forme de gouvernement. En vain dira-t-on que leur projet est ridicule. Est-ce parce que les choses sont déraisonnables qu’elles sont impossibles ? »

Les constitutionnels, prenant alors pour base l’égalité et l’unité de la représentation nationale, crurent qu’ils pourraient fonder en 1791 ce qu’ils appelaient la royauté démocratique. La fuite de