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affectent plus de raideur et se terminent par une espèce de crochet, le koufique a été utilisé dès les premiers siècles de l’hégire à la décoration des mosaïques, à celle des mosquées et des palais. Par l’agencement, les lettres koufiques constituent de véritables dessins, des figures de mille sortes, ce que nous appelons des arabesques, du nom même du peuple qui en a fait usage. On distingue en Orient divers genres de neskhy plus ou moins élégans. L’écriture arabe a dû aux progrès de l’islamisme une grande force d’expansion. Tandis que le koufique enfantait au nord de l’Afrique le maghreby, le neskhy donnait naissance à l’écriture des Persans, qui ont ajouté certaines lettres à l’alphabet arabe afin de rendre des sons, tels que le p, le g, que la langue arabe n’a pas, et à l’écriture dont font usage les Madécasses de Madagascar convertis à l’islamisme. L’écriture persane a engendré à son tour l’écriture turque et celle de l’ourdou, l’idiome des musulmans de l’Hindoustan, où des modifications furent introduites pour rendre moins imparfaitement la vocalisation propre aux langues auxquelles cet alphabet était appliqué. De son côté, le vieil estranghelo, après avoir passé par différentes formes, poussait deux rejetons. Il engendrait l’alphabet syriaque proprement dit ou peschito, et, porté aux populations tartares, auxquelles il communiquait la science de l’écriture, il donnait naissance chez les Ouigours ou Turcs occidentaux à un alphabet particulier qui fut longtemps ignoré des Européens, et que l’on ne connaît que par un fort petit nombre de manuscrits et quelques monnaies. C’étaient des missionnaires nestoriens qui en avaient doté les Ouigours. Ces apôtres de la foi chrétienne, qui s’avançaient jusque dans la Chine aux VIIe et VIIIe siècles de notre ère, firent pénétrer au cœur de l’Asie les lumières de l’Évangile. La notion que reçurent ces contrées de l’alphabet syrien est attestée par la fameuse inscription syro-chinoise de Si-’ngan-fou, dont l’authenticité, longtemps contestée, a été définitivement établie par M. G. Pauthier. On a vu que les Tartares se servaient antérieurement des khé-mou ou bâtonnets entaillés.

Les Ouigours, dont l’écriture ne fit subir à celle des nestoriens que des modifications peu prononcées, changèrent toutefois la direction du tracé des caractères. Les Syriens écrivaient l’estranghelo, comme on écrivit le peschito, de droite à gauche selon l’usage sémitique ; les Tartares préférèrent la disposition verticale, qui est celle de l’écriture chinoise. Telle est la manière dont est écrite l’inscription de Si-’ngan-fou. De l’écriture ouigoure sont sorties les écritures mongole, kalmouke et mandchoue. L’alphabet d’origine araméenne est donc celui qui a valu à l’Asie centrale le bienfait de l’écriture. Cet alphabet, en pénétrant dans les contrées où l’on continuait à se servir, pour écrire sur le rocher ou la brique, du