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l’assassinat de Claude Huez, nul d’entre eux n’ose se mettre en avant ; ils disparaissent aussi bien que les échevins et les officiers du bailliage pour ne se montrer que quelques jours après lorsque la force armée aura rétabli l’ordre. Déjà l’année d’auparavant, quand elle avait été consultée sur le mode d’organisation des états-généraux, cette assemblée s’était prononcée pour une égale représentation des trois ordres. En tout, elle avait des instincts aristocratiques, comme on disait alors ; elle tenait pour les traditions d’un régime que la nation voulait détruire.

En général, les assemblées issues de l’édit de 1787, et les bureaux qui en étaient la délégation permanente, créèrent par la confusion des pouvoirs plus d’embarras qu’elles ne rendirent de services ; elles formèrent plus de projets qu’elles ne prirent de résolutions, et ces projets allaient le plus souvent à l’encontre de l’opinion publique. Cependant l’autorité des intendans et de leurs subdélégués en avait été ébranlée sans que rien fût prêt pour mettre à leur place. Ces institutions fausses et mal éprouvées étaient l’entrée de jeu de la monarchie au jour de la révolution. L’assemblée nationale jugea bien vite que des réformes étaient indispensables. Les lois de décembre 1789 et de janvier 1790 établirent des municipalités élues et une nouvelle division administrative de la France.

Pour les élections municipales, tous les citoyens payant une contribution directe équivalente à trois journées de travail, soit 3 fr. au total, recevaient le droit de vote. Les échevins de Troyes, toujours disposés à restreindre les libertés nouvelles, avaient voulu fixer à 30 sols le prix de la journée de travail qu’un décret subséquent de l’assemblée nationale réduisit à 20 sols. Bien qu’il n’y eût guère que 1,500 votans, les opérations furent laborieuses. On réussit d’abord assez vite à nommer le maire. Le député Camusat de Belombre fut investi de ces fonctions ; par des concessions modérées, il s’était concilié la sympathie de toutes les opinions. On eut plus de peine à s’entendre pour le choix des autres officiers municipaux, d’autant plus que, par inexpérience ou par toute autre cause, les scrutins ne durèrent pas moins de trois semaines. En somme, le parti de l’ancien régime y éprouva un échec complet. Un seul des nouveaux élus avait appartenu à l’administration précédente. L’influence qui dominait était celle du comité provisoire, dissous après le meurtre de Claude Huez, et de la garde nationale, dont les tendances étaient révolutionnaires à Troyes comme à Paris. La liste des élus n’avait pourtant rien de menaçant à en juger par leurs professions : la plupart étaient marchands ou fabricans, quelques-uns bourgeois, on y comptait même deux chanoines. Leur défaut principal était plutôt de peu connaître les affaires, défaut