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qu’il rencontrait sur sa route et charriant des blocs énormes qui résonnaient comme un tonnerre lointain. Les deux torrens se réunissent à Foix à l’extrémité de la ville, après avoir baigné les pieds de l’énorme rocher sur lequel s’élève l’antique donjon de Gaston Phœbus. Les maisons qui se trouvent sur le passage de l’Ariége tinrent bon malgré la violence du courant et la masse des eaux ; mais il n’en fut pas de même du côté de l’Arget. Toutes les habitations ou les usines qui en bordent les rives subirent de grands dégâts. L’établissement thermal du rocher de Foix, que l’on rencontrait avant l’inondation sur les bords du gave, au pied du rocher, — car il n’est pas de localité dans ce pays de montagnes qui ne possède sa source minérale, — fut fortement entamé, et la fontaine disparut ; la magnifique promenade d’acacias et la buvette ne sont plus aujourd’hui qu’un souvenir. Dès la matinée du 23, les habitans étaient plongés dans une consternation indescriptible ; la circulation du pont avait été interdite. Les épaves de toute sorte que la violence du courant lançait contre les arches justifiaient cette mesure. Cependant là encore on n’eut que des désastres matériels à déplorer.

En quittant Foix, la rivière entre dans la plaine. Grossie par les torrens qu’elle venait de recevoir, ses dévastations allaient devenir plus considérables. À Pamiers, une partie de la ville fut inondée. La rive droite eut particulièrement à souffrir ; les eaux y charrièrent d’immenses dépôts de gravier. Plusieurs constructions avaient été emportées. Les mêmes dégâts se produisirent dans toutes les villes placées sur le parcours de la rivière. À Pinsaguel, petite localité située près du point de jonction de la Garonne et de l’Ariége, les désastres prirent des proportions effrayantes : le village entier disparut, et une population de 400 âmes se trouva sans asile ; 110 maisons furent détruites, il ne resta debout que l’église, huit femmes qui s’y étaient réfugiées attendirent dans des angoisses mortelles que la baisse des eaux permît qu’on vînt les délivrer. Néanmoins les habitans purent se sauver, grâce à leurs barques et au dévoûment de quelques hommes courageux. Même scène de désolation à Auterive, placé un peu en amont. Le faubourg de la Madeleine, qui formait la partie basse de la ville, fut presque entièrement détruit : 113 maisons s’effondrèrent sous la violence du courant. Deux causes avaient amené cette épouvantable dévastation : l’arrivée de deux nouveaux affluens, à quelques kilomètres au-dessus de l’embouchure, ainsi que la vitesse des eaux de la Garonne, qui, refoulant celles de l’Ariége, avaient forcé ces dernières à se répandre dans la plaine.

Passons à l’Arize, le seul affluent de quelque importance que reçoive la Garonne entre l’Ariége et le Salat. Cette petite rivière