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vivant chacun de leur côté d’une vie absolument différente. Ce sont d’une part les Danois, fonctionnaires, employés, négocians, les uns fixés définitivement dans le pays, la plupart n’y faisant qu’un séjour temporaire, toujours trop long au gré de leurs désirs, de l’autre les Islandais, pêcheurs, cultivateurs ou artisans. Les maisons danoises occupent trois rues parallèles au rivage, flanquées de droite et de gauche par les habitations islandaises. La construction en pierre n’est représentée que par l’église, la maison du gouverneur et une petite tour carrée bâtie sur une élévation de terrain qui domine la ville. Les habitations des Danois sont en bois. On les apporte pièce à pièce de la Suède ou de la Norvège ; le propriétaire n’a qu’à les faire monter sur place, quitte, s’il veut changer le lieu de sa résidence, à les faire démonter et transporter au nouvel emplacement qu’il a choisi. Le voyageur trouve dans l’intérieur de ces maisons tout le confort dont l’hospitalité la plus bienveillante s’empresse de lui faire les honneurs avec une cordialité dont je conserverai toujours pour mon compte le plus reconnaissant souvenir.

Reikiavik est le centre administratif, commercial et intellectuel de l’Islande. C’est la résidence du gouverneur-général, le siège de l’évêché et de la cour de justice. L’althing (assemblée nationale) y tient chaque année ses sessions. Elle possède un collège, un hôpital, deux bibliothèques, deux imprimeries, trois journaux. C’est en outre le seul point de l’île qui communique d’une façon régulière avec le reste du monde par le paquebot danois qui fait une fois par mois le service de Copenhague. Ce paquebot n’accomplit ses voyages que pendant la période de mars à octobre. Comme à partir de cette époque la navigation devient très dangereuse sur la côte d’Islande, la capitale reste, pendant quatre longs mois, sans communication d’aucune espèce avec le monde extérieur. Pendant la belle saison, de nombreux navires de commerce viennent y porter des marchandises que les négocians danois échangent contre les différens produits de l’île. Les Islandais de Reikiavik sont naturellement amenés à s’associer, dans une certaine mesure, au mouvement commercial dont leur ville est le centre. Ils traitent avec les Danois et les étrangers pour la vente et l’échange de leurs produits, établissent avec eux des relations d’affaires et perdent, par ce frottement avec la civilisation européenne, une partie de leur originalité native. Ce n’est donc pas à Reikiavik qu’il faudrait aller étudier les mœurs islandaises pour les prendre sur le vif ; ce qu’elles ont d’aimable et de gracieux a été non pas effacé, mais atténué par le mercantilisme.

Les conditions de la vie matérielle y sont les mêmes que dans le reste de l’île, et les habitations islandaises de Reikiavik par exemple