Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 11.djvu/935

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Wilkes ; il demandait en outre à la chambre de déclarer que ce député avait enfreint son privilège par la conduite insolente qu’il avait tenue vis-à-vis des ministres de la couronne. Les débats furent d’une violence extrême. L’accusé se défendit avec calme et sang-froid. Pitt prit la parole en sa faveur tout en désapprouvant ce que Wilkes avait fait. Au fond, les extraits du n° 45, que l’on citait comme les plus coupables, nous semblent aujourd’hui de nature bien bénigne. « Le discours du trône, avait dit Wilkes, a toujours été accepté par la législature et par le public comme le discours des ministres. Celui de mardi dernier est sans parallèle dans les annales de notre pays. Il est douteux qu’on en ait jamais imposé davantage au souverain et à la nation. Quiconque aime sa patrie doit se lamenter qu’un prince doué de qualités si grandes et si aimables, qu’un roi que l’Angleterre révère avec raison ait accordé la sanction de son nom respecté aux plus odieuses mesures. » Est-ce donc là le langage d’un démagogue ? Lord Chatam en dit bien d’autres plus tard lors de la discussion sur les îles Falkland. « C’est une honte pour le roi, une insulte pour le parlement ; on met un mensonge dans la bouche du roi, » s’écriait devant la chambre des lords ce grand homme d’état, qui a toujours professé un respect absolu pour la personne du souverain ; mais les discours prononcés devant les lords ou devant les communes ne recevaient pas comme maintenant une publicité indéfinie. Wilkes en aurait pu dire bien davantage dans le parlement sans exciter la colère. Il avait porté le débat devant le public par la voie de la presse : c’était le grand crime qu’on lui reprochait sans en faire l’aveu.

À cette époque, la chambre des communes ne se piquait guère d’honnêteté ni d’indépendance. Walpole avait entrepris d’acheter les votes à prix d’argent ; il n’y avait que trop bien réussi. Newcastle, Grenville, l’imitèrent. La majorité, qui appartenait au ministère, décida que le pamphlet en question serait brûlé par le bourreau sur la place publique. Cela ne se fit pas sans opposition. Au jour de l’exécution, la foule irritée arracha le North-Briton du bûcher et mit en place une botte enjuponnée qui représentait, comme on sait, lord Bute et la princesse douairière. C’était une insulte que ces hauts personnages ne méritaient pas, car il y a toute apparence qu’ils étaient tout à fait étrangers à l’événement. Un des ouvriers typographes que Wilkes employait chez lui devait subir en même temps la peine du pilori. Au lieu de l’accabler de projectiles, suivant l’usage, on l’applaudit et l’on fit une quête à son profit. Wilkes ne pouvait plus se montrer en public sans être accueilli par des hourras frénétiques. Cependant ce succès populaire n’était pas sans danger. Déjà, à Paris, un capitaine écossais au