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pour les lâchetés contemporaines, avec sa verve railleuse. Plus que jamais elles sont bonnes à relire, et pas un mot n’en a vieilli. M de Rémusat portait d’ailleurs la même indépendance d’esprit dans toutes les questions. Ainsi une des originalités du Globe, c’est le courage avec lequel il défendait la grande cause de la liberté religieuse non-seulement contre les ultramontains, mais contre les prétendus libéraux qui voulaient imposer silence à leurs contradicteurs Presque dans chaque numéro du journal, M. Dubois avait sur ce point une lutte violente à soutenir, et M. de Rémusat, quand il en trouvait l’occasion, lui venait en aide. C’est ce qu’il fit, à propos du procès intenté à M. de Lamennais, pour son écrit sur la religion considérée dans ses rapports avec l’ordre politique et civil. Certes il y avait loin de ses opinions à celles de M. de Lamennais ; mais il n’admettait pas qu’il fût interdit d’attaquer la déclaration de 1682. Il voyait d’ailleurs en lui l’adversaire le plus habile et le plus respectable des idées nouvelles, et il se réjouissait de rencontrer un contradicteur courageux et sincère dont la doctrine « brillante de clarté, forte d’unité, puissante de logique, » pouvait être combattue directement et convaincue de fausseté. Aux yeux de M. de Rémusat, un tel homme, quelles que fussent ses erreurs, était bien préférable aux froids prédicateurs qui allaient chercher le mot d’ordre à la cour ou dans le salon d’un ministre.

Dans de nouveaux articles sur la poésie anglaise et la poésie allemande, sur l’histoire de la poésie française, sur le Cromwell de M Victor Hugo, M. de Rémusat continuait à demander pour la poésie française, et surtout pour le théâtre, une allure plus vive une forme moins solennelle, et, tout en rendant justice aux grands auteurs du XVIIe siècle, il traitait quelquefois durement leurs successeurs. « Depuis Voltaire, disait-il, ce qui manque à la plupart de nos poètes, c’est, il faut le dire tout naïvement, c’est l’esprit. On en pourrait citer plusieurs qui certainement n’étaient pas dénués ce talent ; mais par grand malheur ils étaient des sots. » Il était d’ailleurs loin d’approuver toutes les théories et surtout tous les essais de l’école nouvelle ; mais il espérait qu’elle pourrait régénérer la poésie, qui devait cesser d’être aristocrate pour redevenir populaire. En même temps il abordait des questions d’un autre ordre, celles de l’esclavage, du droit de punir, de la peine de mort ; il les examinait au double point de vue de la philosophie et de la législation pratique, sans se laisser entraîner par l’une ni par l’autre à des solutions absolues ou précipitées. Là encore il se gardait de tous les excès, néanmoins, après avoir exposé avec impartialité le pour et le contre, il déclarait « qu’il lui paraissait impossible que la législation ne se rangeât pas quelque jour du parti de la philosophie. »