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Jusqu’ici en effet, la stagnation des recettes est le point le plus saillant et le plus regrettable de la situation financière de la Transleithanie. — Par des emprunts, quelques ventes de domaines et l’émission d’une dette flottante considérable, l’état a pu faire face et au-delà à des dépenses de travaux publics plus ou moins bien conçus ; mais dans un avenir prochain, alors que la seule garantie de revenu consentie aux chemins de fer atteint déjà presque le dixième des recettes, que le ministère des finances prévoit lui-même un déficit normal s’étendant encore sur cinq années, il devient évident qu’on se trouvera dans l’urgente nécessité de demander à l’impôt les ressources indispensables. — C’est en effet ce que vient de proposer avec plus de résolution que de prudence, au point de vue du succès possible dans le parlement, le ministre actuel des finances, M. Koloman Ghyczy, qui a dû, bien qu’étant un des chefs de l’opposition, sur les vives instances de la majorité et sur l’ordre formel du souverain, se résigner à prendre la direction d’un département singulièrement conduit par ses prédécesseurs.

Au début du nouveau régime, les récoltes extraordinaires de 1867 et 1868 avaient entretenu dans les esprits l’illusion d’une prospérité sans limites. Les ministres des finances, M. Lonyay, son successeur, le professeur de philosophie Kerkapoli, dépensèrent sans compter. Le chef de cabinet Szlavy prit ensuite lui-même la direction des finances, charge sous laquelle il succomba en quelques mois. Le titulaire actuel, désintéressé, économe, semble vouloir suivre les règles de l’arithmétique et du bon sens. Pour dépenser, il faut de l’argent, ne pouvant plus en demander à l’emprunt, il doit recourir à l’impôt ; mais encore en matière d’impôts faut-il choisir ceux qui produiront aisément et savoir faire payer les contribuables. Or en Hongrie la matière est rebelle.

Sous la domination autrichienne, c’était faire acte de patriotisme que de résister au fisc : aujourd’hui nous ne jurerions pas que l’exemple donné autrefois par les Magyars ne fût suivi à leur détriment par les races qui se prétendent à leur tour opprimées. Le pays d’ailleurs est exclusivement agricole, et, quand les récoltes sont mauvaises, l’impôt ne rentre pas. On évalue à plus de 60 millions de florins, 150 millions de francs, l’arriéré dû sur les impôts ; pour faire payer cette somme, il sera nécessaire d’accorder des délais. Quant aux nouveaux sacrifices à obtenir, M. Ghyczy a proposé d’augmenter de 5 pour 100 tous les anciens impôts et d’en créer de nouveaux