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C’est la faute du centre gauche ! Le centre gauche dit : C’est la faute du centre droit ! Le public, qui voit tout, qui juge tout avec son instinct, dit : C’est la faute des uns et des autres, de tous ceux qui refuseraient de s’incliner devant l’image du pays s’élevant au milieu de leurs divisions.

Et maintenant comment sortira-t-on de là ? C’est en définitive l’essentiel aujourd’hui, et le mieux est de ne pas trop s’attarder aux vaines récriminations. Une double perspective s’ouvre devant nous. Il reste toujours sans doute une dernière ressource, un dernier espoir auquel ne peuvent renoncer les esprits dévoués à leur patrie : c’est que l’expérience de ces récentes crises aura produit un salutaire effet, et que les tentatives de conciliation qui n’ont pas réussi avant le 6 janvier pourront se renouveler avec plus de chances de succès. Déjà, cela n’est point douteux, un certain apaisement se fait sentir. Le centre droit revient de sa mauvaise humeur ; le centre gauche et même une partie de la gauche ne refusent pas d’aborder l’examen de l’organisation constitutionnelle. Le centre gauche particulièrement a déclaré qu’il n’avait eu nullement l’intention d’écarter la loi sur le sénat, et la droite qui se disposait à saisir l’occasion d’en finir d’un seul coup en proposant un vote d’urgence sur tous ces projets constitutionnels, qu’elle espérait ainsi enterrer sans phrases, la droite commence à voir qu’elle ne tient pas la victoire. La réflexion vient, et il n’est point impossible qu’au moment décisif le sentiment de la gravité des choses ne détermine un mouvement favorable. C’est sur ce point que doivent se concentrer jusqu’au bout les efforts des hommes décidés à oublier leurs griefs, leurs ressentimens ou leurs préférences.

Supposez cependant que cet espoir ne se réalise pas, que reste-t-il ? quelle est l’autre perspective ? Il paraît, au dire des nihilistes de la politique, que tout sera pour le mieux. On sera délivré pour jamais des lois constitutionnelles. Le terrain sera déblayé. L’assemblée demeurera ce qu’elle est, constituante et souveraine, à la condition de ne rien constituer. M. le maréchal de Mac-Mahon restera, selon son goût, à la préfecture de Versailles ou à l’Elysée de Paris. Il faudra refaire un ministère, et M. le duc de Broglie semble particulièrement désigné pour cette mission de confiance. Fort bien. M. le duc de Broglie est certainement un esprit plein de ressources ; mais voici quelle sera la situation : l’assemblée, au lendemain de l’aveu le plus éclatant, le plus humiliant d’impuissance, se trouvera nécessairement plus ou moins atteinte dans son crédit. Le gouvernement sera dans la position d’un pouvoir qui a tout demandé, à qui on a tout promis et à qui on n’a rien donné. Il restera assis sur les fragmens déchirés de ses messages, réduit à s’arranger pour vivre sans une organisation qu’il a maintes fois déclarée nécessaire, qui était une condition originelle du