Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la monarchie ou sanctionner définitivement la république qui existait, qui combattait depuis cinq mois, ce n’est guère à contester. L’empire une fois mis hors de cause par un verdict solennel de déchéance, elle avait le choix. Le pays n’avait point évidemment songé à préciser ou à limiter le mandat de ceux qui allaient le représenter dans un moment où il n’y avait ni institutions, ni gouvernement. Oui, l’assemblée avait tous les pouvoirs, à la condition de s’en servir un jour ou l’autre, de ne pas laisser la France indéfiniment dans le vide entre la république et la monarchie. C’était sans doute encore de sa part un acte de patriotisme de ne point trop se hâter tout d’abord, de consacrer tout ce qu’elle avait de prévoyance et de force à la pacification et à la réorganisation du pays, à l’exécution des désastreuses conditions du traité avec l’Allemagne, à la libération du territoire. C’est le bon moment de l’assemblée guidée et rassurée par M. Thiers. Le jour où ces questions allaient être résolues, il fallait cependant se décider, et c’est là que s’engage réellement ce drame des partis qui vient de se dénouer par le vote des lois constitutionnelles, après avoir passé par toutes ces péripéties du 24 mai, du 20 novembre, des crises parlementaires ou ministérielles de la dernière année.

La majorité de l’assemblée avait le droit de rétablir la monarchie, si elle le pouvait, soit. Elle l’a essayé, elle s’est jetée dans cet imbroglio dont la chute de M. Thiers a été le premier acte, elle a suivi sa campagne dans des conditions relativement favorables d’union et de force, sans être contrariée par un gouvernement qui dans une certaine mesure partageait ses espérances : elle n’a pas réussi, un mot de M. le comte de Chambord a suffi pour dissiper ce mirage d’une restauration possible, pour montrer que la monarchie telle que l’entendait le chef de la maison de Bourbon n’était nullement la monarchie que le pays aurait pu accepter, à laquelle les esprits libéraux auraient pu se rallier. Ce jour-là, la dernière chance d’une restauration de royauté venait de disparaître pour le moment, peut-être pour longtemps; il ne restait plus que la situation de la veille, qui était toujours la république, qu’on pouvait tout au plus essayer de fixer en l’entourant de garanties nouvelles de force et de durée. C’est ce qui s’est appelé le septennat. Le malheur d’une fraction du parti royaliste a été de se méprendre entièrement sur la nécessité des choses, de faire de la politique avec des illusions, et de croire qu’en laissant à l’institution qu’on venait de créer tous les caractères d’un régime indécis et subordonné, elle pourrait s’en servir pour reprendre à loisir son œuvre interrompue. Elle n’a pas vu que tout avait changé, qu’en refusant à la république et à M. le maréchal de Mac-Mahon lui-même une organisation promise, reconnue nécessaire, elle ne faisait qu’aggraver les confusions et prolonger les incertitudes du pays. Elle n’a point remarqué surtout qu’en perpétuant le provisoire elle ne