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FLAMARANDE.

cune de ces hypothèses, mais il n’a rien conclu, sinon que Gaston n’était pas son fils, et rien au monde n’a pu ébranler sa résolution de l’éloigner sans retour.

— La déclaration qu’il vous a signée pourtant, et que vous avez été forcé de montrer à la nourrice pour la tranquilliser ?

— Cette déclaration, je l’avais exigée. Il me l’a reprise depuis.

Ici je mentais, j’avais toujours ce précieux papier d’où dépendait l’avenir de Gaston ; mais Mme de Flamarande mentait plus énergiquement que moi en niant la nature de ses relations avec Salcède : nous étions à deux de jeu. Elle fut très abattue en voyant échapper le moyen de salut sur lequel elle avait le plus compté. Elle devint pâle et s’assit sur un banc, car nous parlions en marchant dans le parc.

Mais elle avait trop souffert toute sa vie pour n’avoir pas l’habitude d’un grand courage. Allons ! dit-elle avec un profond soupir, on veut qu’il soit le fils de Salcède, et à moins d’entamer une lutte pleine de dangers et de scandales, il faut que mon fils ait le père que M. de Flamarande lui attribue ! C’est monstrueux, mais c’est comme cela !

— Je m’étonne, repris-je, que madame la comtesse, qui se montre si forte de son innocence et si indignée des soupçons de son mari, ne se soit jamais expliquée résolument avec lui, du moment où elle a su les moi ifs de son éloignement pour Gaston.

— Je l’ai tenté une fois, j’avais surmonté la frayeur qu’il m’inspire. J’étais prête à exiger, à menacer. Alors il entra en fureur, et menaça à son tour, de quelle atroce menace, vous le savez : il me séparait de mon autre enfant ; il partait avec lui pour l’étranger. Il me laissait libre de plaider en séparation, il se laissait condamner par défaut, mais il mobilisait sa fortune au profit de Roger seul et l’élevait dans cette notion atroce que sa mère lui préférait le fils de l’adultère. Il a fallu me soumettre et me résigner au silence.

— Je dois dire à madame, pour la tranquilliser au moins sur un détail, que M. le comte est informé, — j’ignore absolument par qui,

— de ses entrevues secrètes avec M. Gaston et M. de Salcède. Il est résolu à fermer les yeux là-dessus et n’exige pas que M. Gaston soit éloigné de celui qui s’est consacré à son éducation.

— Il n’y a pas de mérite, reprit la comtesse avec vivacité, il a découvert cela bien tard, et je sais que ce n’est pas par vous. Il n’était plus temps alors de disposer de Gaston comme d’un petit enfant. Il n’était pas en son pouvoir d’éloigner M. de Salcède de Flamarande, puisqu’il est établi là sur une terre qui lui appartient. Quant à m’empêcher de voir mon fils à la dérobée et sans lui faire savoir qui je suis et qui il est,… oui, il le pouvait. C’est pourquoi

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