tranquille avec lequel elle m’accueillit en me disant : — Que désirez-vous, monsieur Charles ?
— Puis-je espérer, répondis-je, que je ne serai entendu que de madame la comtesse ?
— Mais certainement, si vous avez fermé la porte.
— Elle est fermée.
— Très bien, parlez, mon ami.
Puisqu’elle avait l’air si bon et si confiant, je résolus de l’attaquer par le sentiment pour savoir si elle me haïssait. — Depuis quelque temps, lui dis-je, il m’a semblé que j’étais désagréable à madame la comtesse.
— Vous ! mais non, pas le moins du monde.
— C’est que, si je déplaisais à madame, je quitterais le service de M. le comte.
— Vous auriez tort. M. le comte tient à vous, et il a raison. Je serais désolée qu’il fût privé de vos soins. Il ne retrouverait pas un homme aussi intelligent et aussi dévoué.
— Alors c’est par attachement pour monsieur que madame me tolère dans sa maison ?
— Je ne vous tolère pas, Charles, je vous estime.
— Ah ! ce n’est pas possible, m’écriai-je. Madame ne pense pas ce qu’elle dit !
— Je ne comprends pas, reprit-elle en me regardant comme pour voir si je n’étais pas égaré ; qui peut vous donner une pareille idée ?
— Beaucoup de propos qui ont été faits le printemps dernier à Sévines.
Elle répondit très vivement : — À Sévines, j’étais folle ! Ne parlons pas de Sévines, vous savez bien que je n’avais pas ma tête. Vous aurais-je dit quelque chose de blessant ? Je le regretterais beaucoup.
— Madame a été pour moi extrêmement bonne au contraire.
— Eh bien ! alors ?
— Je me figure que depuis on a dû dire à madame que je la trahissais.
— Pourquoi aurait-on dit cela ? Est-ce que vous êtes capable d’une mauvaise action ou d’un mauvais sentiment ? Je ne le crois pas, moi.
— N’a-t-on pas dit à madame que je m’étais prêté à l’enlèvement…
J’allais droit au fait, je m’y sentais entraîné par une force irrésistible ; j’allais me confesser, mais non plus avec l’humilité du repentir ; j’allais avouer ma culpabilité pour lui faire entendre que je connaissais la sienne. Elle ne me donna pas le temps de parler. Elle