Quelques bordées suffisent pour les réduire au silence, et bientôt toute la flotte fédérale, marchant sur une seule colonne, jette l’ancre devant la ville, chaque navire s’embossant de manière à enfiler l’une des rues longues et droites qui descendent vers le fleuve en traversant toute la cité. Il n’y avait pas un soldat dans la ville ; cependant Lowell ne l’avait pas encore quittée, il était resté de sa personne pour hâter le départ du matériel. Lorsque le capitaine Bailey vint demander la soumission de la Nouvelle-Orléans, le général confédéré remit tous ses pouvoirs au maire. Celui-ci, sachant que Farragut n’avait pas de troupes de débarquement, ne songea qu’à traîner les choses en longueur, afin de donner à Lowell le temps d’achever l’évacuation, et il entama à cet effet avec le Commodore fédéral une correspondance dont l’emphase contraste avec la simplicité et la modération des réponses de ce dernier. Pendant cinq jours, on vit se prolonger cette situation singulière : d’une part une grande ville sans défense, et devant elle, d’autre part, une flotte formidable ayant tous les moyens de la détruire, mais pas ceux de l’occuper. L’humanité de Farragut ne lui permet pas d’employer ses canons pour faire reconnaître son autorité, et le maire, s’abritant derrière une population désarmée, profite de la longanimité du vainqueur pour le braver et maintenir sur les édifices publics le pavillon de l’état de la Louisiane. Il réussit ainsi à occuper si bien l’attention de Farragut que cet officier, d’ordinaire si vigilant, négligea de couper, à l’isthme de Kenner, les communications entre la Nouvelle-Orléans et l’armée, et Lowell, établi au camp Moor, resta en rapports avec la ville, offrant même aux habitans de revenir au milieu d’œux, s’ils voulaient pour résister s’exposer à un bombardement. Cependant, s’il put sauver son matériel, sa petite armée se trouva bien réduite en nombre, car les volontaires levés à la Nouvelle-Orléans refusèrent de servir plus longtemps sous ses ordres, et, profitant de ce que la route leur était encore ouverte, ils retournèrent en masse chez eux. Cet esprit d’insubordination éclatait de même non-seulement dans les deux forts Jackson et Saint-Philippe, mais aussi dans toutes les petites garnisons de la Louisiane occidentale, qui avaient été rappelées par Lowell, et qui, au lieu de lui obéir, s’étaient débandées aussitôt l’ordre reçu. Telles étaient les conséquences inévitables de la doctrine sécessioniste : poussée à l’extrême, elle se retournait contre la cause qui en avait d’abord profité.
Enfin la nouvelle de la capitulation des forts, qui dissipait la dernière espérance des confédérés et rendait les troupes de Butler disponibles, vint mettre un terme à cet étrange état des choses. Le 24 au matin, dès qu’il avait vu la flotte de Farragut au-dessus des forts, Porter avait sommé ceux-ci de se rendre et, sur leur refus,