Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/784

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fort Saint-Philippe, dont il faillit tuer le commandant : l’explosion fut terrible, et, si elle avait eu lieu quelques minutes plus tard, elle aurait certainement détruit le Harriet-Lane, où Porter et Duncan étaient réunis pour régler les détails de la convention.

Pendant que le général Phelps occupait les forts, Butler avec le reste de ses troupes remontait vers la Nouvelle-Orléans. La voie était libre désormais, et rien ne s’opposait plus au ravitaillement de la flotte. Les forts Pike et Macombe, situés à l’entrée du lac Pontchartrain, avaient été abandonnés, et les vapeurs confédérés qui se trouvaient sur le lac détruits par leurs équipages avant même d’avoir vu un seul ennemi. Les dernières défenses de la Nouvelle-Orléans étaient donc abattues. Le 29, Farragut, qui avait jusqu’alors prudemment évité tout ce qui pouvait amener un conflit avec la population, envoya enfin un détachement de marins pour élever le drapeau fédéral sur l’un des édifices publics ; mais à peine ces marins se furent-ils retirés que le drapeau, détaché par un homme nommé Munford, fut traîné dans les rues et foulé aux pieds. Le 1er mai, les transports fédéraux arrivaient aux quais, Farragut laissait à Butler le soin d’occuper et de gouverner la Nouvelle-Orléans, et quelques heures après les troupes fédérales prenaient possession de cette ville.

Farragut avait retrouvé sa liberté d’action. Il en profita sans délai pour remonter le fleuve. Près de Carrolton, à 10 kilomètres au-dessus de la Nouvelle-Orléans, il y avait, outre des ouvrages considérables, un barrage flottant prêt à être tendu dans la prévision que la flottille de Foote descendrait jusque-là le Mississipi. C’est en effet, nous l’avons dit, l’attaque par le nord que les confédérés craignaient le plus et en vue de laquelle ils s’étaient particulièrement préparés. Dès le 9 mai, l’Iroquois se présentait devant Bâton-Rouge. La capitale officielle de la Louisiane ne se défendit pas, et un poste de marins prit possession de l’arsenal ; le 12, le même navire paraissait devant Natchez, où il ne rencontrait pas plus de résistance. La flotte le suivait en assurant ces faciles conquêtes. Tandis que Porter ramenait à Ship-Island ses mortiers, dont on ne croyait plus avoir besoin sur le Mississipi, le général Williams, avec quelques troupes embarquées sur des transports, suivait Farragut et mettait garnison dans les lieux qu’il importait de défendre. La conquête du Bas-Mississipi marchait rapidement, et les fédéraux se flattaient déjà de l’espoir de rouvrir la navigation entière du fleuve, depuis Saint-Louis jusqu’à la Nouvelle-Orléans, non-seulement aux navires de combat, mais aux mille bâtimens de commerce qui le sillonnaient avant la guerre. Ils croyaient aussi que, maîtres de l’une des contrées qui produisaient autrefois le plus de coton,