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mesures de Canning, dit lord Russell, au sujet de l’invasion de l’Espagne, n’étaient pas et ne pouvaient pas être efficaces ; mais dans mon opinion elles ne méritaient aucune censure. Je ne pus donc m’associer à une motion faite contre ces mesures, et je quittai la chambre à cette occasion. » Le ministère de lord Liverpool finit en 1827 par la maladie et la mort de ce ministre. Jamais hommes plus médiocres n’avaient assisté à de plus grandes choses. Quand Canning fut nommé premier ministre, six de ses collègues l’abandonnèrent ; les tories intolérans virent avec appréhension arriver au pouvoir un homme d’état qui voulait accorder l’égalité civile et politique aux catholiques. Les clercs et les commis du cabinet de lord Liverpool se jetèrent sur lui avec une fureur sauvage ; Canning, ardent, sensible à la moindre piqûre, s’usa en luttant contre son propre parti. Il mourut en 1827 à Chiswick. Le duc de Wellington refit un cabinet, et M. Peel devint le nouveau leader de la chambre des communes.

Russell présenta le 28 février 1828 une motion pour abroger les actes passés sous le règne de Charles II, en vertu desquels on ne pouvait admettre à aucune charge publique, aucune fonction civile ou militaire, ni donner place dans aucune corporation à quiconque n’aurait point reçu le sacrement conformément au rite de l’église d’Angleterre (corporation and test acts). Les tories se divisèrent sur cette question, et une majorité de 44 voix se prononça en faveur de la tolérance malgré la résistance de Peel, de lord Palmerston et de Huskisson. La loi fut agréée par la chambre des lords, à une condition cependant : lord Russell avait consenti à mettre dans la formule du serment ces mots : sur la vraie foi d’un chrétien, de façon à exclure les israélites. À ce propos, lord Russell raconte que quelqu’un dit à lord Lyndhurst que, sans ces mots, un juif pouvait devenir chancelier. « Je n’y verrais pas de mal, répondit Lyndhurst, David eût fait un excellent chancelier. » Cette formule d’exclusion devait subsister jusqu’en 1868.

Peel resta au pouvoir après sa défaite ; la majorité, un moment divisée, lui était demeurée fidèle ; il sentit pourtant qu’un vent nouveau commençait à souffler, et le règne des tories, qui durait depuis soixante ans, était sur le point de cesser. La révolution de juillet et le soulèvement de la Belgique donnèrent aux libéraux anglais une confiance nouvelle. Le gouvernement du duc de Wellington se laissa choir plutôt qu’il ne fut battu, et le roi, malgré ses répugnances, fut obligé d’appeler lord Grey. On offrit à lord Russell le ministère de la guerre ; son frère, le marquis de Tavistock, qui plus tard succéda au titre du duc de Bedford, supplia qu’on ne lui donnât point cette lourde charge à cause de sa santé délicate ; il prit