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la truffe grise des Piémontais que les lettres du comte de Borch ont rendue célèbre. On l’appelle aussi truffe à l’ail, ou truffe blonde du Piémont : les Piémontais la nomment trifole, trifola bianca, tartufo bianco ou biancone ; les plus précoces, celles qui mûrissent vers la fin de juin, se nomment fiorini d’un mot qui s’applique également aux premières figues ou figues fleurs ; les plus tardives, nommées ghiaccioli, ont une chair très fragile, très marbrée, et sont bien moins estimées. Étrangère à notre pays, cette espèce a pourtant été rencontrée deux fois de suite, en novembre 1821 et dans l’automne de 1822, par feu le botaniste Requien à Tonelle, près de Tarascon, dans la célèbre pépinière des Audibert et aussi dans un champ de garance. Pourrait-on voir là un fait d’importation accidentelle ? La chose ne serait pas impossible, si l’on songe que la pépinière en question reçut longtemps des plantes du monde entier, et que la truffe du Piémont, venant surtout au pied des peupliers et des saules, dans des terres argileuses et souvent humides, aurait pu facilement être transportée avec des arbustes, soit, à l’état de mycélium, soit par des spores dont la germination est inconnue. En tout cas, il y a là un fait curieux à recueillir et qui donne quelque appui aux tentatives de naturalisation des truffes, soit par transportée mycélium, soit par semis de glands ou d’autres graines des arbres auxquels les truffes sont associées.

Entre le groupe des truffes à verrues polyédriques et celui des truffes lisses se placent des espèces dont la surface est finement chagrinée, c’est-à-dire recouverte de papilles arrondies. C’est la circonstance qui vaut à la plus connue de ces truffes, la truffe rousse ou tuber rufum des botanistes, le nom provençal de mourre de chin, museau de chien. D’une odeur forte et peu agréable, qui la fait appeler sentoun en Provence, cette espèce est rejetée par les marchands de truffes de ce pays, et ne se glisse que par fraude entre les vraies truffes comestibles : la chair en est coriace et bien plus dense que chez ses congénères ; cependant les truffiers de Bourgogne la récoltent en même temps que la truffe d’été et l’expédient surtout à Strasbourg, où elle fait nombre dans les pâtés parmi les truffes du Périgord. Cette truffe, qui est un vrai tuber par ses caractères botaniques, pourrait compter entre les truffes bâtardes, en prenant le mot dans un sens dénigrant, au point de vue de la qualité. Quant aux fausses truffes, il faudrait y comprendre le genea verrucosa, qui s’appelle capello di prete en Piémont, oreille de prêtre en Poitou, et rabasso mourre de chin en Provence (par homonymie avec la truffe rousse), — le melanogaster variegatus ou truffe musquée d’Agen, truffe gemme du Poitou et de la Touraine, — le balsamia vulgaris, rossetta des Milanais, truffe blanche ou truffe rouge des Poitevins, rabasso blancan, rabasso bourret ou rabasso de Lengado