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— Bon ! j'ai entendu parler déjà des caprices de Mlle  Hélène, pures chimères de jeune fille…

— Oh ! je ne doute pas que vous ne parveniez à gagner son cœur, dit M. de Festenburg ; mais pour Dieu qu'elle ne devine jamais que vous le gagnez avec mon consentement. La partie serait perdue.

— Laissez-moi faire, dit le séducteur, s'armant de son sourire le plus irrésistible.

— J'ai pleine confiance dans vos moyens de plaire, reprit le bonhomme, croyez-moi cependant... Il ne suffit pas qu'Hélène ignore notre entente, il faut que vous paraissiez l'épouser malgré nous, comme dans les romans… Oui, il importe de mettre en action mi roman, du premier au dernier chapitre.

— Convenu.

Les deux complices se serrèrent la main.

— Encore une question, ajouta M. de Festenburg. Êtes-vous dévot ?

— Dévot ?… Si vous me permettez d'être sincère, je vous répondrai…

— Non, fit en riant le vieillard. Moi aussi, je suis quelque peu libre penseur, mais ma femme… Vous verrez par vos yeux ! À moins que vous n'entendiez quotidiennement la messe et que vous n'alliez chaque semaine à confesse, elle sera contre vous…

— Déjà un écueil !…

— Un écueil ? allons donc ! Plus la mère vous persécutera, mieux vous serez défendu par la fille. Le seul fait que ma femme ait toujours pendu à son tablier certain hypocrite dont elle veut faire notre gendre va vous servir.

— Cette comédie est-elle donc absolument nécessaire ? demanda Valérien après réflexion.

— Indispensable, si vous tenez à Hélène.

— Et je puis compter sur votre concours ?

— Tout à fait. — M. de Festenburg se frotta les mains. — L'aventure m'amuse d'avance ; qu'elle soit complète surtout ! N'épargnez rien : clair de lune, échelle de corde, sérénade…

— Vous oubliez le duel avec mon rival.

— Pourquoi ne pas vous mettre à la tête d'une bande de brigands ?

— L'idée est ingénieuse : je surprends le château et j'enlève Mlle  Hélène.

— Bravo ! s'écria M. de Festenburg ; j'ai un manteau rouge que je vous prêterai pour la circonstance.

IV.

Dans une petite salle mollement chauffée déjeunait la famille de Festenburg. Le château de Kosciolka avait appartenu à des starostes,