leurs troncs blancs apparat soudain une forme sombre qui agitait un mouchoir.
Le Juif arrêta ses chevaux. Une dame voilée enveloppée d'une pelisse s'était approchée vivement ; elle se découvrit le visage :
— Hélène ! s'écria Valérien, sautant à terre pour se jeter à ses pieds, Hélène, vous me pardonnez !
— Oui, répondit la jeune fille en lui tendant les bras avec une résolution intrépide, car je vous aime et suis prête à vous suivre partout où vous voudrez, comme votre femme.
Le lendemain. Mme de Festenburg assista à la leçon ; était-ce hasard ou méfiance ? Quoi qu'il en fût, sa présence impatienta singulièrement sa fille ; on le vit bien à la manière dont elle cassa toutes ses plumes, tachant d'encre un tapis magnifique, lardant son cahier de coups de canif et déchirant les feuilles du livre de dialogues. — On servit le thé. — Savez-vous interpréter les songes ? demanda tout à coup l'espiègle à Valérien.
Il répondit en souriant : — Peut-être.
— Eh bien ! écoutez. Cette nuit j'ai rêvé que je traversais un champ de neige immense et désolé, sans un arbre, sans une chaumière ; le vent gémissait, des flocons glacés me fouettaient le visage, je serrais ma pelisse autour de moi et m'enveloppais la tête d'un voile. Soudain devant moi brilla quelque chose comme de l'or ; ce n'était pas de l'or, c'était un rayon lumineux, les nuages épais se divisèrent pour laisser le soleil inonder ce triste paysage, la plaine solitaire s'éclaira d'un ton rose, et du rayon doré qui était tombé à mes pieds jaillirent des fleurs de toute sorte, violettes, réséda, giroflées,… oh ! comme elles sentaient bon, ces violettes ! Que signifie mon rêve ?… Eh bien ? Vous ne savez rien dire ?…
— Ton rêve, interrompit M. de Festenburg, signifie un bonheur inattendu, le printemps de l'amour au milieu de la neige.
— Quelle idée, s'écria sa femme, de faire entrer des folies semblables dans la tête d'une fille qui déjà rêve jour et nuit !
En rentrant, Valérien dit à Weinreb : — Il me faut des violettes.
— Bon Dieu ! des violettes ? Où les prendre ?
— Où tu voudras, mais il m'en faut pour Mlle de Festenburg. Weinreb se répandit en lamentations; toutefois le soir même il se rendait chez le comte Skarbek, dont les serres étaient célèbres dans la contrée, pour consulter le jardinier. — Il n'y a d'autre moyen, dit celui-ci, que de les faire venir de Florence.
— Mais elles se flétriront en route.
— Non pas, si elles sont bien emballées et expédiées par grande vitesse.
Weinreb télégraphia donc à Florence. Quelques jours s'écoulèrent, et Valérien, furieux de ce que Mme de Festenburg ne le lais-