son enseignement public les Vers d’or et les commenta avec une minutieuse exactitude et une ferveur nouvelle. En lisant ce commentaire, nous croyons découvrir la cause de l’erreur qui avait si longtemps fait attribuer à Pythagore un exercice de mémoire. En effet, Hiéroclès veut que les disciples, avant de faire l’examen de leurs actions, commencent par se remémorer et par se réciter un à un tous les vers d’or qui renferment la liste de nos devoirs, pour s’assurer de point en point que les prescriptions imposées n’ont pas été violées et pour mettre la conscience en état de juger à cette lumière doctrinale la conduite de la journée. C’est un conseil analogue à celui que pourrait donner un directeur chrétien recommandant de repasser d’abord les commandemens de Dieu et ceux de l’église, afin que l’examen soit précis et complet. « Rassemble, dit Hiéroclès, dans ta mémoire tous les préceptes déjà donnés, afin que dans le tribunal de ta conscience, les yeux fixés sur ces lois comme sur des lois divines, tu puisses juger, ce que tu as bien ou mal fait, car comment notre raison pourra-t-elle nous gronder sur nos manquemens, nous louer de nos bonnes actions, si elle ne se représente d’abord les lois sur lesquelles nous devons régler notre vie[1] ? » Ce conseil traditionnel sur la récitation préalable des Vers d’or a vrai-. semblablement donné lieu à l’erreur que nous combattons. Quand les non-initiés entendaient dire vaguement que le pythagoricien était astreint à repasser chaque jour dans son esprit toutes les prescriptions morales de la doctrine, et cela, comme dit Hiéroclès, « afin que l’assiduité du souvenir rende infaillible le jugement qu’on doit porter sur soi-même, » ils se figuraient aisément, d’après des renseignemens mal compris, que Pythagore n’avait eu en vue que de cultiver la mémoire de ses disciples. De plus, comme il s’agissait de se rappeler non-seulement les lois, mais aussi les actions qu’on avait faites, sans en oublier une et dans l’ordre même où elles s’étaient accomplies, les mots mémoire, souvenir et d’autres pareils revenaient souvent, comme on peut le voir dans le commentaire de Hiéroclès, et ces mots répétés pouvaient encore entretenir l’illusion de ceux qui n’étaient pas bien entrés dans la doctrine.
Le chapitre de Hiéroclès n’est pas le froid commentaire d’un érudit qui interprète un texte ancien, c’est l’édifiante explication d’une pratique encore usitée et vivante. On le voit au soin qu’il met à donner le sens moral de chaque mot, à exprimer toute la substance d’un précepte qui lui paraît entre tous salutaire et sacré ; on le voit aussi à son enthousiasme, qui se pare d’expressions poétiques. Il veut que l’examen de conscience « soit comme un cantique à Dieu
- ↑ Commentaire sur les Vers d’or, ch. XIX.