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qu’Alarcon, en quittant le froc, eût fait également bon marché de ses principes religieux. Plus encore que l’Italie, l’Espagne est par excellence une terre de foi. Alarcon, comme ses compatriotes, est toujours resté profondément catholique, et dans tous ses livres on retrouverait la marque de convictions religieuses que n’ont pu affaiblir en lui ni les doctrines raisonnées des philosophes, ni les agitations d’une vie mondaine, partagée entre le travail et le plaisir.

A Grenade, où il vint s’établir après un court séjour dans la capitale, Alarcon se trouva mêlé à une société de jeunes gens qui se réunissaient pour traiter ensemble des questions d’art et de littérature, et dont plusieurs dans la suite se sont fait un nom à côté du sien : Fernandez Jimenez, Manuel del Palacio, Soler. Il avait repris la publication de son journal. C’est alors qu’éclata la révolution de 1854 ; beaucoup, grisés de mots, d’utopies libérales, saluaient en elle l’avènement de toutes les réformes, au lieu d’y voir ce qu’elle était en réalité, un coup d’état militaire qui rouvrait pour la malheureuse Espagne l’ère des pronunciamentos. Avec l’ardeur et l’imprudence naturelle à son âge, Alarcon se lança dans les idées nouvelles, et, comme il ne trouvait pas à Grenade les esprits assez préparés, il partit pour la capitale. La direction d’un journal satirique, el Latigo (le Fouet), lui fut offerte : cette feuille, de couleur démocratique, soutenue sous main par de grands personnages, était hostile surtout à la reine Isabelle et aux personnes de la famille royale. Tout ce qu’il avait de verve, d’esprit et de talent, Alarcon, surexcité par le danger et fier de se trouver en vue, le mit au service de la cause, cinglant et fouaillant sans pitié, s’attaquant de parti-pris aux hommes et aux choses. Sa témérité ne tarda pas à lui attirer une grave affaire, et il dut se rendre sur le terrain. Lui-même a jugé plus sévèrement que personne cette époque de sa vie. « A vingt et un ans, dit-il, lorsque j’avais à peine un poil de barbe au menton, chevalier errant de la révolution et soldat du scandale, j’ai lutté face à face contre le pouvoir le plus redoutable de mon pays pour me trouver un beau matin de février seul dans un champ désert, ne sachant pas même défendre ma vie et abandonné à la générosité de mon adversaire. » Dégoûté de la lutte, Alarcon laissa là son journal et son parti, et près de dix ans s’écoulèrent, les dix années de sa jeunesse, avant qu’il reprît la plume pour exprimer une idée politique. Cependant le scandale avait été grand autour de son nom. Consacré démagogue par les mille trompettes de la renommée au moment même où il cessait de l’être, il dut porter longtemps la peine de cette gênante réputation.

Un roman bien mené et intéressant, le Final de Norma, qui a été traduit en français, signala sa rentrée dans la carrière littéraire. Alors, sans trêve ni répit, durant plusieurs années, Alarcon