— Maître Basile, jouez-nous un petit air, nous allons danser.
— Oui, oui, maître Basile, jouez-nous du cornet à pistons.
— Joaquin apprend la musique. Qu’on aille chercher pour maître Basile le cornet de Joaquin.
— Allons, c’est bien ; nous jouerez-vous quelque chose, maître Basile ?
— Non, mes enfans.
— Comment, non ?
— J’ai dit non. — Et pourquoi ?
— Je ne sais pas jouer.
— Vous ne savez pas ! Oh ! quel hypocrite ! c’est pour se faire prier.
— Bah ! bah ! nous connaissons bien que vous avez été musicien de première classe au régiment.
— Et que personne jusqu’ici n’a joué comme vous du cornet à pistons.
— Et qu’on vous a entendu à la cour.
— Et que vous avez une pension.
— Allons, maître Basile.
— Eh bien ! oui, c’est vrai, j’ai joué du cornet à pistons, j’ai même été un virtuose, comme vous dites maintenant ; mais il est vrai aussi que, voici quinze ans et plus, j’ai fait cadeau de mon instrument à un pauvre, et depuis lors je n’ai plus même fredonné une note.
— Quel dommage ! un si grand musicien !
— Mais ce soir vous allez bien jouer, n’est-ce pas ? Ici, à la campagne, tout est permis.
— Aujourd’hui surtout, le jour de ma fête.
— Bravo ! bravo ! voilà l’instrument.
— Oui, jouez-nous une valse.
— Non, une polka.
— Une polka, allons donc, un fandango.
— Oui, oui, un fandango, la danse nationale.
— Je le regrette beaucoup, mes enfans, je ne puis jouer.
— Vous si aimable !
— Si complaisant !
— C’est votre petit-fils chéri qui vous le demande.
— Et votre petite-nièce.
— Laissez-moi, au nom du Dieu puissant, j’ai dit que je ne jouais pas.