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n’ont pas été remplacés. Des romans, dont beaucoup dans le genre honnête et tempéré de Mme Bremer, et quelques pièces de théâtre, c’est tout ce que produit pour le moment la Suède littéraire. La palme de la littérature en Scandinavie appartient actuellement aux Norvégiens, peuple jeune et plein de sève. Dans les sciences au contraire, la Suède n’a rien à envier à personne ; Berzelius est mort depuis vingt-cinq ans, mais il a fait école, et dans toutes les branches des connaissances humaines on trouve des savans de grand mérite qui sont l’honneur de leur patrie.

Des hautes régions universitaires, l’instruction descend par degrés dans les différentes couches de la population. En se répandant, elle perd de sa profondeur ; mais on la rencontre encore jusque dans les chalets des paysans. A Upsal et à Lund, on forme des hommes qui en formeront d’autres au-dessous d’eux, et ainsi de suite jusqu’au maître d’école de village qui apprend à l’enfant à épeler les lettres de l’alphabet. Il n’est personne dans le royaume de Suède qui n’ait reçu les bienfaits de l’enseignement primaire, et cela malgré la difficulté des communications et la dispersion des habitans, qui pouvaient paraître des empêchemens insurmontables. Seules quelques parties de la Scanie sont peuplées comme la France et l’Italie ; il y a telle commune dans le Norrland aussi étendue qu’un duché d’Allemagne. On a multiplié le nombre des instituteurs, créé des écoles mutuelles et organisé des écoles ambulatoires dont le maître se déplace quand les élèves ne peuvent aller jusqu’à lui ; bref, on a résolu le grand problème de l’instruction obligatoire, qui passionne les esprits chez nous, mais que nous n’avons pas osé encore aborder sérieusement.

La situation prospère de l’instruction publique à tous ses degrés est la meilleure preuve de l’excellence de l’organisation scolaire en Suède. Il n’est pas inutile de tourner un instant ses regards vers ce pays à un moment où la France aborde en tâtonnant des projets de réforme de l’enseignement supérieur, et n’a que trop besoin de guides et de modèles. Assurément il faut se garder des emprunts précipités et d’une imitation servile. La plupart des états possèdent des institutions traditionnelles, appropriées aux mœurs, au Caractère, aux usages locaux, inapplicables partout ailleurs que sur le sol où elles ont pris naissance et se sont lentement développées ; mais à côté de ces plantes délicates, qui, transplantées au loin, périraient infailliblement, il s’en rencontre d’autres qui sont de tous les temps et de tous les lieux ; c’est parmi ces dernières que l’on peut utilement choisir.


GEORGE COGORDAN.