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plus favorables de tranquillité et de sécurité. La dernière campagne entreprise par les journaux allemands contre la réorganisation toute simple de la France n’était point certes de nature à dissiper ces malaises ; elle était trop coordonnée, trop systématique pour ne pas donner à croire que ces polémiques traduisaient sous une forme particulière des arrière-pensées et des préoccupations peu rassurantes. La correspondance du Times, dont l’origine n’est pas difficile à démêler, n’a été, à tout prendre, que le dernier mot de ces polémiques ; elle a montré brusquement, avec une certaine crudité hardie, que tout n’allait pas pour le mieux en Europe, qu’il pouvait y avoir des points noirs dans les rapports de la France et de l’Allemagne. Soit, on peut signaler les points noirs, si l’on veut ; est-ce à dire que cette fantasmagorie, qui étourdit l’Europe depuis deux ou trois semaines, cache des combinaisons obscures et redoutables, ou, pour appeler les choses par leur nom, un danger imminent de guerre ? C’est ici que l’exagération des commentaires dépasse la réalité. Les nouvellistes « à sensation » n’y réfléchissent pas ; on ne se lance pas ainsi par caprice, sans raison, sans prétexte, dans une guerre qui après tout ne répondrait pas plus aux intérêts de l’Allemagne qu’aux intérêts de la France, et qui serait sûrement, visiblement aujourd’hui une violence faite à tous les sentimens de l’Europe. La meilleure manière de dissiper ces fantômes, c’est de les regarder en face en se disant que, même dans des circonstances où tout est possible, il y a cependant encore une limite dans tout ce qui constitue une situation.

D’où viendrait la guerre à l’heure où nous sommes ? Ce n’est point à coup sûr la France qui offre un prétexte par ses actes, par les dispositions qu’elle témoigne, par le caractère de sa politique. On aurait beau s’évertuer, on ne trouverait que la paix dans les besoins et les désirs de notre pays. La France a été éprouvée par la guerre, elle a subi, sans importuner le monde de ses plaintes, les rigueurs qui lui ont été infligées. Depuis qu’elle a signé le traité de Francfort, elle n’a manqué à aucune de ses obligations, et la meilleure preuve, c’est qu’on n’a pas eu à lui rappeler ses engagemens. L’indemnité, elle l’a payée jusqu’au dernier centime, capital et intérêts. La rupture avec des provinces qui étaient une partie d’elle-même, elle l’a subie. L’assemblée a tout voté à peu près sans discussion, le gouvernement a tout exécuté sans subterfuge. S’il y a un exemple de loyauté dans la soumission à la mauvaise fortune, c’est celui qu’a offert notre pays, et en exécutant strictement jusqu’au bout ce qu’elle avait promis la France a su depuis quatre ans avoir le courage de la réserve et de l’abstention dans les affaires du monde. Ce n’est pas qu’elle se désintéresse de tout ce qui touche des nations dont elle a été l’amie quelquefois utile ; elle n’a pas voulu qu’on pût la soupçonner de se mettre à la poursuite d’alliances qui se