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renouent par la force des choses, par la communauté des intérêts, non par un artifice de diplomatie remuante. Toutes les fois que s’est présentée une occasion où pouvaient se produire des froissemens, des difficultés, nous nous sommes tenus à l’écart. Lorsque l’an dernier le cabinet de Berlin, avec un zèle qui n’a pas été absolument récompensé, s’est donné tant de peine pour acquérir un droit de patronage en Espagne et pour provoquer la reconnaissance du gouvernement du général Serrano, notre ministre des affaires étrangères n’a certes rien fait pour contrarier ces combinaisons. Lorsque l’Allemagne s’est engagée dans la lutte religieuse qu’elle poursuit, le gouvernement français s’est employé et il s’emploie encore à décourager des manifestations qui seraient peu conformes à sa politique, dangereuses pour nos intérêts nationaux. Lorsque des souverains se sont réunis avec l’intention avouée de traiter exclusivement entre eux les plus sérieuses questions européennes, peut-être même des questions qui nous touchaient, est-ce qu’il y a eu dans notre pays une marque de mauvaise humeur ? La France s’est tenue pour satisfaite, sachant que ce qui pouvait sauvegarder la paix de l’Europe était une garantie pour elle, La France, sans rien demander, sans rien rechercher, n’a cessé de témoigner ses dispositions amicales et confiantes à l’Angleterre, à la Russie, à l’Autriche. Avec l’Italie, elle est allée plus loin, elle a supprimé spontanément pour le bien des deux nations tout ce qui pouvait être un prétexte d’ombrage. Avec l’Allemagne elle-même, elle a montré une telle réserve que, lorsque récemment des journaux d’outre-Rhin ont voulu faire un dossier contre nous en se servant des intempérances de notre presse, ils n’ont trouvé que des extraits insignifians de quelques journaux inconnus ou dénués de toute importance. Le procès est tombé sous le ridicule d’une accusation saugrenue.

C’est qu’en effet la France n’a depuis quatre ans qu’une seule pensée, une préoccupation dominante : s’abstenir de tout ce qui pourrait l’entraîner dans des complications extérieures où elle n’a que faire, pour se concentrer sur elle-même. Est-ce par là qu’elle peut être accusée de se montrer agressive ? Quoi de plus simple cependant ? La France a eu pendant la dernière guerre son organisation, militaire brisée, ses forteresses démantelées ; elle a perdu ses frontières, ses défenses, son matériel, qui a été pris ou ruiné. Elle s’occupe tout simplement aujourd’hui de reconstituer ses forces ; elle fait ce que font la plupart des puissances européennes, grandes ou petites, qui n’ont pas subi les mêmes épreuves, et cette réparation, elle ne la poursuit nullement avec cette hâte fiévreuse dont on l’accuse. Elle a échelonné ses dépenses, de telle façon qu’elle ne peut se passer de temps, et c’est une véritable plaisanterie de représenter la création d’un quatrième bataillon par régiment comme le signe de préméditations belliqueuses, comme le préliminaire d’une prochaine entrée en campagne ! Pour bien