Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/480

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’adjonction des capacités : grandes questions qui sont un peu passées de mode aujourd’hui, Assurément il y avait bien de l’aveuglement et d’étroits préjugés chez ceux qui résistaient aux plus simples réformes au risque d’enfermer la monarchie constitutionnelle dans un cadre trop inflexible, et il y avait aussi bien de l’imprévoyance chez ceux qui contribuaient sans le vouloir à déchaîner des passions qu’ils seraient impuissans à contenir au jour du péril. Les événemens se sont chargés de concilier tous ces vieux différends, et ce qui est essentiel aujourd’hui, c’est moins de refaire le passé que de l’éclairer des erreurs et des fautes aussi bien que des grands spectacles du libéralisme d’autrefois.

Il y a un pays qui, lui aussi, a eu sa période libérale, qui a connu jusqu’à un certain point les avantages d’un régime constitutionnel, et tous les mécomptes des révolutions, des guerres civiles, qui peut s’instruire par sa propre histoire : c’est l’Espagne. Où en est aujourd’hui cette restauration du jeune roi Alphonse XII qui date, déjà de près de cinq mois ? Elle n’a eu aucune peine à s’établir, à être acceptée par le pays, qui l’a considérée comme un gage de pacification ; la difficulté pour elle est de prendre son caractère et son équilibre, de s’organiser politiquement et de triompher de l’insurrection carliste. Jusqu’ici c’est une question d’influence qui s’agite dans une sorte d’obscurité à Madrid, autour du jeune roi. Évidemment la politique de M. Canovas del Castillo est de rallier le plus possible tous les élémens libéraux, de rattacher à la monarchie nouvelle, avec les anciens modérés, tous ceux qui ont participé à la révolution de 1868 et au gouvernement du roi Amédée. La plupart de ceux-ci, M. Sagasta comme le général Serrano et bien d’autres, ont fait acte d’adhésion au roi Alphonse, et au premier abord rien ne semblerait plus simple que de s’entendre sur une politique de conciliation libérale. Ce serait assez simple en effet, s’il n’y avait les passions, les rivalités, les ambitions personnelles, les rancunes qui rendent le problème épineux même pour un homme expert et habile comme le président du conseil. M. Canovas del Castillo ne semble pas se décourager, il reste maître de la situation ; mais autour de lui c’est une véritable bataille ou pour mieux dire un inextricable fouillis d’intrigues. Ralliés au roi Alphonse, les libéraux de la révolution de 1868 ne sont pas précisément d’accord entre eux sur la politique qu’ils doivent suivre, sur les conditions du concours qu’ils peuvent offrir au gouvernement. Ils ont des réunions, des conférences ; au fond, les questions personnelles ont toujours la première place dans ce travail intime qui semble se poursuivre pour rapprocher tous les élémens libéraux dont la fusion pourrait être une force pour le gouvernement Les modérés de leur côté, les anciens modérés réactionnaires s’efforcent de défendre le terrain, d’exclure tous les élémens libéraux, de pousser la monarchie nouvelle à rompre avec tous ceux qui ont coopéré plus ou moins aux