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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/489

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se retrouvent chez tous. Ils possèdent le charme séduisant et la dignité royale ; mais ils ont aussi l’opiniâtreté, la dissimulation, le penchant au favoritisme, la rancune, d’étranges défaillances du sens moral. La trace de tous ces défauts se découvre déjà dans Marie Stuart et dans Charles Ier. Ce sont des caractères chatoyans, pleins de grâce et de vice ; leur conscience semble fascinée par l’idée de leur droit sans qu’aucun devoir précis y réponde. Punie cruellement, cette race singulière, tour à tour traitée par la fortune avec trop de rigueur et trop de faveur, a des retours de fortune inouïs. Une restauration produite par la volonté de la nation la ramène sur le trône ; mais, incapable de se plier aux conditions qui avaient motivé ce retour, incapable même de les comprendre, elle passe vite à l’état de ces dynasties fantômes qui ne semblent plus bonnes qu’à hanter, comme les revenans de la croyance populaire, les palais qu’elles ont autrefois habités.

Lord Mahon, l’un des historiens anglais qui ont le plus étudié ce difficile sujet, regrette que Guillaume d’Orange, remplaçant Jacques II sur le trône d’Angleterre, n’ait pas été forcé d’adopter le fils du roi proscrit. Il oublie que la passion contemporaine avait créé une fable, celle de la stérilité de la reine, épouse de Jacques, et contestait la légitimité de l’enfant. Bien peu doutaient qu’il n’eût été clandestinement introduit au fond de l’alcôve royale ; la calomnie s’était généralement accréditée, et elle facilita beaucoup l’établissement de la nouvelle dynastie. Dans une révolution, la vérité n’est jamais d’un côté si absolue, si lumineuse, que le public entier puisse la reconnaître certainement : il n’a le plus souvent à choisir qu’entre des crépuscules.

Les études attentives de la critique moderne n’ont rien enlevé à ce qu’a de profondément respectable le caractère de la reine Marie de Modène. Appartenant à cette noble famille d’Esté, la plus ancienne des maisons royales après la maison de France, elle avait cette assurance de la foi qui est la force et aussi la faiblesse des derniers héritiers des vieilles souverainetés. Malgré son irréprochable conduite, elle n’avait pas su se faire aimer en Angleterre. Son catholicisme ardent l’isolait au milieu de sa cour. Sa dignité froide, un peu hautaine, éloignait ceux qu’aurait charmés sa beauté. Jusqu’à la naissance de son fils, elle avait paru plus occupée du ciel que de la terre. Elle parlait de conversion aux puritains qui lui demandaient grâce, et avait le droit de parler de conviction, car elle se montrait sévère en son détachement des choses de ce monde. Dans l’exil de Saint-Germain, cette nature se transforma ; elle resta digne et réservée, tout en se montrant encore pleine de douceur et de charité. La cour de France la voyait rarement ; lorsque les circonstances l’appelaient à y paraître, le roi Louis XIV lui témoignait