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Saint-Simon, il ne reçut rien que des honneurs et des complimens. » Une dernière hallucination le porta vers l’Espagne. Il y fut bien reçu par Philippe V et par la reine Elisabeth Farnèse ; on lui donna une petite armée de 6,000 hommes, qu’on plaça sous les ordres du duc d’Ormond.

En secourant le prétendant, l’Espagne voulait se venger de l’alliance anglo-française. Un intrigant, comme il s’en trouve toujours sur les pas des princes dépossédés, vint promettre l’appui de la flotte anglaise, qui croisait sur les côtes d’Espagne. Il est certain que l’amiral Byng, qui la commandait, reçut des propositions. S’il ne les accepta pas, il ne les dénonça pas non plus. Cette circonstance peut avoir eu une influence funeste sur le procès qui lui fut intenté après son échec de Port-Mahon et sur sa condamnation en 1757. Aux époques de troubles civils, le doute et l’hésitation se rencontrent plus fréquemment que la fermeté des convictions et des principes. Cependant la flotte espagnole, qui portait l’armée du prétendant, rencontra une effroyable tempête près du cap Finistère ; elle fut obligée de rentrer dans les ports. Ainsi chaque lueur d’espérance était suivie d’amères déceptions.

Pendant que le prince se trouvait en Espagne, un mariage avait été négocié pour lui. Ses amis lui choisirent Marie-Clémentine Sobieska, petite-fille de Jean Sobieski, le libérateur de Vienne. La mère de la jeune princesse était sœur de l’impératrice, épouse de Léopold Ier. Sa famille était retirée en Silésie, et elle passait pour être l’héritière d’une grande fortune. Dès que la cour d’Angleterre eut vent de ce projet, elle s’en émut et demanda le secours du cabinet de Vienne. Malgré les liens de parenté, la princesse, se rendant à Rome, fut arrêtée à Inspruck, conduite dans un couvent, où elle resta étroitement gardée pendant plusieurs semaines. Les prières, les réclamations qu’elle adressa à sa tante restèrent sans réponse. Le dévoûment d’un serviteur fidèle sut la délivrer à l’aide d’un déguisement. A travers les neiges du mois de décembre, elle traversa à cheval les défilés du Tyrol, et atteignit enfin Bologne, où son mariage fut célébré par procuration. Le prince l’y rejoignit plus tard, et tous deux se dirigèrent vers Rome pour y mener une vie auprès de laquelle l’existence la plus humble eût été digne d’envie.

Rome était alors le plus étrange des tombeaux. Cette petite coterie d’exilés portait d’ailleurs en son sein toutes les rivalités, toutes les prétentions qui remplissent les cours les plus brillantes. Les émigrés venaient y apporter leurs regrets, leurs espérances, leurs dénonciations. Le favoritisme, toujours funeste aux Stuarts, écartait les sommités du parti jacobite. Lord Bolingbroke, qu’il était si important de ménager, fut accusé de trahison. Il avait accepté le