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feuilles, presque toute l’eau qui tombe arrive jusqu’au sol, et l’on sait que ce sont les pluies d’hiver qui surtout alimentent les cours d’eau. Les forêts ralentissent également la fonte des neiges et permettent aux eaux qui en proviennent de s’infiltrer peu à peu dans le sol, au lieu de s’écouler rapidement et superficiellement dans la vallée. Ces résultats peuvent varier suivant que le sol est plus ou moins perméable ; mais il résulte des expériences que nous avons citées que, dans des circonstances identiques, les terrains boisés retiennent plus d’eau que les terrains dénudés.

Un autre phénomène résultant de l’action physique des forêts est l’obstacle qu’elles opposent aux mouvemens atmosphériques. Les arbres en effet, en brisant le courant d’air, l’obligent à s’élever au-dessus du massif, où il se trouve comprimé par les couches supérieures, et forcé d’abandonner par conséquent une partie de l’humidité qu’il contient ; c’est donc une nouvelle cause de pluie que nous retrouvons ici. Les forêts agissent aussi comme abris, en protégeant nos cultures contre l’action du vent. Sous ce rapport, il est vrai, de simples lignes d’arbres produisent le même effet ; c’est ainsi qu’en Provence des rideaux de cyprès garantissent les terres cultivées contre le souffle du mistral, et qu’en Normandie les rangées d’arbres plantées sur les talus qui entourent les prairies permettent aux pommiers de fleurir et de fructifier.

Il n’est pas douteux non plus que les forêts n’aient une certaine influence sur les orages et sur le magnétisme terrestre. Les orages sont moins fréquens et surtout moins violens dans les régions boisées que dans celles qui ne le sont pas. Il semble que les forêts, en provoquant des pluies plus fréquentes, soutirent à l’atmosphère l’électricité qu’elle contient, et qui dans les régions dénudées s’accumule sur un même point et se décharge d’un seul coup. C’est surtout sur la formation de la grêle que les forêts paraissent avoir une action décisive. M. Becquerel, en notant sur la tarte les points où des orages à grêle ont éclaté, a reconnu que les forêts en étaient généralement préservées, et que les orages de cette nature semblaient s’écarter des massifs boisés. M. Cantégril m’a cité un fait très curieux dont il a été le témoin et qui confirme de tout point cette observation. Le 8 juin 1874, un orage épouvantable a traversé la partie sud du département de l’Aude, qui est couverte de sapinières. Il marchait comme d’habitude du nord-ouest au sud-est, et avait ravagé le département de l’Ariège avant d’arriver dans l’Aude. Dès que l’orage fut parvenu au-dessus des forêts, la grêle cessa de tomber ; mais, lorsqu’il eut atteint les Pyrénées-Orientales, où le déboisement est à peu près complet, la grêle recommença et dévasta les cinq ou six premières communes qui se trouvaient sur