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sur lesquels ils sont plantés et assainissent les sols marécageux. En Sologne, les plantations de pins ont fait disparaître les marais ; dans les dunes de Gascogne, elles ont étanché les eaux stagnantes qui s’accumulaient au fond des vallons ; dans la forêt de Saint-Amand (Nord), la substitution du pin aux essences feuillues a eu pour effet de dessécher les mares qui s’y trouvaient, d’assainir le terrain et même de faire tarir les sources à proximité desquelles les plantations avaient été faites. Après l’exploitation des pins, les marécages ont reparu, et les sources se sont remises à couler. L’eucalyptus jouit des mêmes propriétés que le pin, à un degré bien plus grand encore, et permettra sans doute, grâce à cette circonstance, la mise en culture dans les régions méridionales des terrains jusqu’ici abandonnés à cause de leur insalubrité. Cependant rien ne prouve que ces phénomènes soient dus à la transpiration des feuilles, car, si le pin avait besoin pour végéter d’une si grande quantité d’eau, on ne s’expliquerait pas comment il pousse avec tant de vigueur sur les sols les plus maigres et les plus secs. Je pense pour mon compte que cette propriété asséchante est due non aux feuilles, mais aux racines, qui, s’étendant au loin, augmentent la perméabilité du sol et par une sorte de drainage facilitent l’infiltration de la pluie dans les couches profondes. Quoi qu’il en soit, c’est un phénomène qui a besoin d’être analysé de plus près.

Nous arrivons à l’étude de l’action mécanique que les forêts exercent sur le sol. Cette action est celle qui a été le moins contestée, parce que les phénomènes qui la constatent frappent tous les yeux. En maintenant les terres par leurs racines, elles empêchent le ravinement des montagnes et par conséquent la formation des torrens. Dans les Alpes, ces torrens sont formés par des pluies d’orage qui, tombant sous forme d’ondées sur les pentes friables et dénudées des montagnes, ravinent le sol et répandent dans la vallée les matériaux qu’elles entraînent avec elles, en recouvrant les cultures d’un immense manteau de pierres et de rochers. M. Surell, dans son bel ouvrage sur les Torrens, a constaté que ce fléau ne peut être attribué qu’au déboisement, puisque partout où les montagnes ont été déboisées, des torrens nouveaux se sont formés, partout au contraire où l’on a reboisé, les anciens torrens se sont éteints. Le premier, il a érigé en théorie que le reboisement devait être la base de la reconstitution de cette région, et il a été en quelque sorte le promoteur de la loi de 1860. Les résultats qu’ont donnés les travaux exécutés en vertu de cette loi ont de tout point confirmé ses prévisions, et les rapports annuels que publie l’administration forestière mentionnent un grand nombre de faits qui constatent l’efficacité des reboisemens pour empêcher l’effondrement des montagnes. Avant d’y procéder, on commence en général par construire