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impose aux locataires l’obligation de justifier de ressources suffisantes pour vivre une année, et dans le même esprit de prévoyance il interdit pendant cinq années la faculté de vendre à des indigènes non naturalisés les terres dont on aura acquis la propriété par le travail et une résidence quinquennale. Les diverses catégories de Français appelés à profiter des libéralités de cette législation n’ont pas à se plaindre des conditions qu’elle leur impose en retour ; mais elle nous paraît contenir une lacune en ce qui touche les étrangers. Au lieu de les exclure à raison de leur qualité, n’y aurait-il point à prendre un terme moyen plus équitable qui consisterait à leur étendre le bénéfice des baux en question, sauf à ne leur attribuer de pleine propriété qu’après qu’ils se seraient fait naturaliser ?

Qu’un Français de naissance ou naturalisé n’exécute pas ses engagerons et soit évincé, il lui restera toujours une patrie de ce côté de la Méditerranée ou de l’autre ; mais que resterait-il à l’étranger qui, après avoir renoncé à sa nationalité pour obtenir un bail, ne se verrait pas en définitive déclarer propriétaire ? Retrouverait-il dans sa patrie adoptive des parens, des amis, pour lui venir en aide ? peut-on regarder comme sien un pays dont on aurait emprunté l’étiquette dans ces conjonctures ? Comment dans une telle incertitude de l’avenir prendre au début une décision aussi grave que celle d’un changement d’état par lequel on renonce aux lois, à la protection et jusqu’au nom de la terre natale ? L’on fait quelquefois ces sacrifices quand on y trouve un avantage. L’avantage étant réellement ici dans l’acquisition de la propriété plus que dans celle du titre de citoyen français, il vaudrait mieux, dans l’intérêt du travail et de notre nationalité, n’imposer la naturalisation que comme le prix de la propriété à ceux qui auraient déjà fécondé un terrain stérile, que d’exiger qu’ils l’obtiennent avant de pouvoir rien entreprendre.

C’est par l’application de ces principes que d’autres pays ont rapidement développé leur prospérité. Ce sont les pratiques en usage aux États-Unis, dont l’exemple peut ici nous servir de guide. Si la grande république américaine compte aujourd’hui (plus de 40 millions d’habitans, si de 1820 à 1870 elle a reçu près de 7 millions d’immigrans devenus pour la plupart citoyens américains, personne n’ignore qu’elle est avant tout redevable de cet accroissement de forces nationales à l’esprit si libéral de sa législation sur les ventes de terres et la naturalisation. Nos lois sur la naturalisation des étrangers sont excellentes, on n’en saurait plus faciliter les conditions qu’elles ne le font ; mais ce ne sont en somme que des lois de procédure, réglementaires, de pures formalités et ne possédant par elles-mêmes aucune vertu stimulante et expansive. C’est dans la