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législation générale, dans le droit commun d’une société, que résident ses élémens d’attraction et de conquête morale, qui sont en raison directe du libéralisme des dispositions de ce droit. Nous savons combien le mouvement des naturalisations a déjà gagné par la fin du régime d’exception si longtemps imposé à l’Algérie contre ses vœux. Le décret du 3 août 1874 ne nous paraît pas devoir, en restant ce qu’il est, fixer en Algérie autant de colons français qu’il amènerait d’étrangers à notre nationalité en y introduisant une disposition qui leur fût favorable. Aujourd’hui, comme au début de la conquête, la terre ne manque pas à la population en Algérie, c’est la population qui manque à la terre. L’homme qui a le mieux connu et fait connaître l’Algérie, le regrettable M. Warnier, y estimait à 3 millions d’hectares la part du domaine de l’état à affecter aux besoins des colons ; l’amiral de Gueydon a déclaré de son côté devant une commission d’enquête parlementaire que, par l’application des mesures du séquestre aux tribus révoltées en 1871, ce domaine s’était encore accru de 500,000 hectares. Une ample carrière demeure donc ouverte à l’activité européenne.

Nous ne saurions mieux terminer qu’en rappelant les conclusions aussi sensées qu’éloquentes du livre de M. Prevost-Paradol, la France nouvelle. L’invasion cosmopolite des races saxonnes, les débordemens de la Russie en Orient jetaient le publiciste dans de patriotiques angoisses. A ses yeux, la France, resserrée en Europe dans des limites difficiles à étendre, ne pouvait conserver dans le monde un rang digne de ses destinées et de son histoire qu’à la condition de demander de nouveaux élémens de grandeur à ses colonies. L’Algérie, par sa proximité de nos côtes, par sa situation au centre de ce bassin méditerranéen autour duquel se déroule toute l’histoire de l’antiquité, par ses richesses naturelles, lui semblait admirablement préparée pour ce résultat. Les vestiges du passé attestent à chaque pas qu’il s’y est longtemps épanoui une vie et une civilisation florissantes dont elle recèle toujours les germes. Sur son sol hospitalier se rencontrent des populations richement douées, qui, rapprochées déjà par les liens d’une civilisation commune, doivent unir leurs destinées sous le nom et le drapeau de la France. Combien après nos désastres la justesse et l’opportunité de ces considérations n’éclatent-elles pas avec plus de force !